Le Manoir : Youtubeurs et cinéma sont-ils compatibles ?

Ce weekend, à l’occasion de la Vidéo City Paris, a été annoncé la sortie d’un film le 21 juin prochain regroupant une bonne partie de la communauté des YouTubeurs français. Le Manoir, réalisé par Tony Datis retrouve à son script Kemar et trois autres personnes. Au niveau du casting : la brochette habituelle de la crème humoristique française, parmi lesquels Mister V, Ludovik, Vincent Tirel, Natoo ou Jerôme Niel. Les YouTubeurs se jettent ainsi à l’abordage du septième art, quitte à se casser les dents ?

L’humour 2.0

En France (comme ailleurs j’imagine, même si mes connaissances en termes de YouTubeurs étrangers restent branlantes), les vidéastes n’ont pas apporté qu’un simple nouveau concept humoristique. Ils ont, en outre, apporté une nouvelle forme d’humour, absurde et décalé à souhait. Les louanges une fois faites, force est de constater que ce néo-humour à coup de puérilité burlesque plaît quasi exclusivement à un public très jeune. D’où l’appellation de "2.0" : les YouTubeurs s’inscrivent dans la lignée d’une génération connectée et nul doute qu’un podcast de Cyprien aura plus de chance de faire rire un collégien qu’un cadre à la cinquantaine.

C’est aussi le principal reproche auquel se heurte les Youtubeurs : leur humour est, selon certains, trop axé pour un public jeune. Voilà pourquoi des ex-lycéens enjambant aujourd’hui le quart de siècle (ça fait mal hein ?) se montrent si acides avec les vidéos de Norman, par exemple. Parce que ces humoristes puisent leurs blagues dans des thèmes qui ne les concernent plus ou, du moins, ne les touchent plus. Et au-delà des sujets, la maturité et le regard que porte un trentenaire sur un lycéen viennent corrompre cet humour. Bref, les YouTubeurs ont un public plus ou moins volatile qui apprécie la non-prise de tête total.  

A la conquête du cinéma

Tout ça pour dire que l’immersion dans les salles obscures des YouTubeurs risque de se casser les dents sur des critiques féroces. Rien qu’à voir les yeux hautains que lui porte la presse nationale pour comprendre que les deux milieux semblent se repousser. De plus, un YouTubeur dans un plateau télévisé paraît toujours exclu, comme si son monde d’internaute ne pouvait être compatible avec la rigueur qu’imposent les autres plateformes médiatiques.

Norman en avait fait durement les frais à la sortie de sa Pas très normale activité. Au-delà du film qui, certes, admettait de grosses lourdeurs, c’est sa personne tout entière qui était moquée lors de la promo du film. Dernièrement, le Palmashow semble avoir tiré sa révérence avec son œuvre, mais le bilan reste nuancé. Derrière Le Manoir, le pari est pour autant ambitieux et intéressant : les gros budgets qu’inspirent le Studio Bagel ou Golden Moustache permettent des courts-métrages d’excellentes qualités. Le film affiche déjà une grosse promo et nul doute qu’il plaira aux internautes déjà convertis. Néanmoins, c’est le reste des Français et des critiques qui reste à conquérir. Une tâche périlleuse tant nos vidéastes se heurtent à une hostilité persistante.