Depuis quelques jours, on entend parler sur tous les médias du Roundup, un produit phytosanitaire qu’une certaine personnalité politique a mis sous les projecteurs en cherchant à le faire interdire. Mais, il est bien gentil de râler sur quelque chose, mais une fois de plus, il n’est pas expliqué clairement pourquoi tout ce bruit (qui est pourtant bien justifié dans ce cas précis). On fait le point sur cette histoire.

Qu’est-ce que c’est que ça ?
Tout d’abord, c’est quoi le Roundup ? Le Roundup est le nom commercial d’une molécule, le glyphosate. Cette molécule a la propriété d’être un herbicide à large spectre, c’est-à-dire qu’elle s’attaque à toutes les espèces végétales. Elle va venir perturber la fonction enzymatique de la plante et provoquer sa mort.
Pourquoi l’utiliser ?
Le glyphosate est en très grande majorité consommé dans le domaine de l’agriculture. En effet, l’objectif premier de l’agriculture est d’augmenter toujours les rendements, pour nourrir toujours plus de monde (comme si on n’était déjà pas assez nombreux comme ça tiens !), et cela passe par plusieurs actions. On va chercher à enrichir la terre pour que la plante ait toujours de quoi subvenir à ces besoins, ce avec des engrais ; on va irriguer massivement pour assurer des apports en eau suffisant ; enfin, on va éliminer la concurrence. Et c’est sur ce dernier point que le glyphosate agit. En effet, son action létale va supprimer tous les adventices (le nom scientifique de la mauvaise herbe), mais va épargner les cultures qui ont été génétiquement modifiées pour résister justement à ce produit (cultures vaguement appelées "OGM"). Ainsi, la culture a l’exclusivité des ressources et peut se développer à son aise. C’est là le "génie" de cette technique et surtout de son concepteur (on reviendra sur lui après), que de créer le désherbant et la plante résistante à ce désherbant, et si ce n’est pas forcément du génie scientifique, en tout cas, c’est du génie marketing.
Bref, c’est bien joli, mais jusqu’ici, à part peut-être un léger problème de pollution lié à toute utilisation d’un produit dans l’environnement, il n'y a pas de quoi s’alarmer. Alors pourquoi ce produit inquiète ?
Le glyphosate est un produit utilisé depuis quatre décennies et a été premièrement commercialisé par un certain Monsanto (j’ai dit on reviendra sur lui après). Mais aujourd’hui, on commence à l’incriminer dans de nombreux sujets sanitaires graves.
Tout d’abord, il semblerait que la biodégradabilité du produit ne soit pas aussi efficace et sûre que ce que le fabricant promet. En effet, il est demandé à tout produit libéré dans l’environnement de se dégrader rapidement tout en ne produisant pas de sous-composés issus de cette dégradation qui pourraient être nocifs. Ce principe s’appelle la biodégradabilité. Or, il est dit sur l’emballage même du produit qu’il est possible de replanter directement après le traitement, ce qui laisserait à penser une biodégradabilité rapide, alors que certaines études montreraient que le glyphosate met plutôt entre 20 et 100 jours pour se dégrader, et que cette variabilité dépendrait des conditions extérieures. De plus, il semblerait que l’utilisation massive de pesticides qui accompagne souvent celle d’herbicides, aurait au final l’effet de stériliser les sols, supprimant des bactéries, dont celles du genre Pseudomonas, elles-mêmes capables de dégrader ce produit, et de ce fait, ralentissant d’autant plus sa dégradation. Enfin, autre effet sur l’environnement, en supprimant les adventices, il supprime surtout les maillons d’une chaine alimentaire, rayant par la même l’écosystème lié. Cela a donc pour effet supplémentaire un appauvrissement de la diversité biologique.
Ensuite, il s’avèrerait qu’une résistance apparait de plus en plus. En effet, les adventices constamment exposés au glyphosate sont de moins sensibles à ce produit, survivent de plus en plus et demandent donc plus de ce produit pour être éliminés, à la manière des bactéries et des antibiotiques ("Les herbicides, c’est pas automatiques", espère-t-on entendre un jour). Enfin, il semblerait que les bactéries exposées à cet herbicide seraient plus enclines à former des résistances aux antibiotiques. Alors, si le risque alimentaire n’est pas avancé, le risque sanitaire existe bel et bien. Rappelons-nous du scandale des courgettes allemandes à l’Escherichia Coli de 2011.
Autre problème, dans une étude argentine de 2010 (rappelons que l’Amérique du Sud est l’un des plus gros consommateurs de glyphosate au monde), il a été mis au jour un risque tératogène (si tu ne sais pas ce que c’est, google it. Non je déconne, c’est des anomalies dans le développement embryonnaire) chez des espèces telles que la mouche, le crapaud ou le poulet dont les œufs auraient été exposés au glyphosate.
Enfin, et non des moindres, le glyphosate semble impliquer la santé humaine. Si son ingestion directe n’est pas forcément dangereuse au vu des quantités qu’il faudrait absorber pour décéder (DL50[i] à 1% du poids, soit 500g du produit pour une personne de 50kg), c’est surtout son exposition à long terme qui pourrait se révéler délétère. Et plusieurs études vont dans ce sens. On observe aujourd’hui que le nombre de cancers et de pathologies dégénératives (maladie de Parkinson ou d’Alzheimer, pour ne citer qu’elles) est souvent plus élevé chez les agriculteurs, population souvent plus exposée aux produits phytosanitaires dont le glyphosate, et produits qui pourraient au final être à l’origine de ces troubles. Un parallèle a été fait lors d’une étude en 2012 qui avait secoué la communauté scientifique, la firme fabricante et les consommateurs, où des rats nourris pendant deux ans à la nourriture OGM, donc forcément exposée au glyphosate, présentaient des tumeurs plus grosses qu’un poing d’homme. Ces constatations ont conduit le classement du glyphosate parmi les cancérigènes probables (groupe A2, à côté du plomb et des UV).
Dans tous les cas, à l’heure actuelle, le glyphosate n’est pas directement incriminé
Au final, pourquoi continue-t-on d’utiliser ce produit si on commence à se demander s’il n’est pas cancérigène. Parce que le lobbying. Rappelons qui a fabriqué le premier le glyphosate : Monsanto (oui, lui, enfin…). Et qui est Monsanto ? Tout d’abord spécialisée dans la production de la saccharine, puis de l’aspirine, cette entreprise va participer au projet Manhattan (regarde Ironman si tu ne sais pas ce que c’est) et surtout à la guerre du Viet Nam en fournissant l’agent orange à l’armée américaine. Ce produit est un défoliant à base dioxine particulièrement toxique, surtout sur le développement embryonnaire, plus précisément, sur celui des membres, et qui causera des dégâts monstrueux sur les populations exposées, dégâts qui sont toujours observables aujourd’hui. Mais, ce n’était peut-être que des erreurs !
Au final, ce passé pourrait discréditer la parole de Monsanto. Sauf que. Sauf que Monsanto pèse 13 milliards de dollar de bénéfice net par an et possède la capacité d’imposer ses décisions à un gouvernement de par son poids économique. Le profit avant la santé humaine ? Ça s’est déjà vu. Alors même si le brevet du glyphosate n’est plus détenu par cette entreprise, on la verra toujours défendre corps et âme son bébé et il restera toujours difficile de s’attaquer à elle et à sa réputation.
[i] Quantité d’un produit nécessaire pour provoquer la mort de la moitié d’une population donné
Par jeanLucasec, il y a 8 ans :
Ca change de la Geekerie, mais c'est très intéressant, bien écrit et bien expliqué ! Bravo
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