Pourquoi les méchants tuent toujours leurs bras droit de sang-froid ?
Après 100 ans d’existence, le cinéma cumule de nombreux clichés inévitables. L’un deux se révèle néanmoins particulièrement insupportable : la faculté du méchant principal à assassiner froidement son fidèle assistant. Derrière ce qui semble être un cruel stéréotype se cache une trame bien huilée. Petit décryptage.
Pourquoi le tuer ?
La mort dans un film est un élément scénaristique phare, en particulier quand il s’agit d’un personnage développé. En fait, le décès doit faire évoluer l’histoire, aboutir à une quête ou laisser un héritage par exemple. Cependant, celui qu’on appelle le "bras droit", c’est-à-dire l’acolyte principal du méchant, est souvent assassiné sans réelle raison concrète. En fait, il est souvent sacrifié en dépit du scénario, puisque, la plupart du temps, il n’a rien fait de spécial. Peut-être une petite boulette, mais rien d’assurément grave. Une bourde qui, visiblement, ne sera pas du tout au goût du méchant qui abattra d’une balle dans la tête celui qui l’accompagne depuis 30 ans.
Il semblerait qu’il n’y est donc pas de rationalité, mais quid de l’objectif ? On veut montrer par là que le méchant est vraiment méchant, qu’il n’a pas de sentiment, que rien ne pourra l’arrêter pour parvenir à ses fins. Le problème c’est que l’overdose du cliché le rend quasi anodin aux yeux des spectateurs, en particulier quand ce bras droit n’a pas de véritable intérêt dans le scénario.
D’où vient ce fichu cliché ?
Évidemment, ce procédé n’est pas né dans l’esprit des créateurs cinématographiques, mais plutôt là où ceux-ci puisent leur inspiration : dans la littérature. Là encore, les méchants semblent faire preuve d’un flegme insupportable même si, généralement, le scénario est plus abouti. Contrairement aux films, les livres n’imposent pas de limite temporelle (un film ne doit pas être trop long), ni en termes de développement (au cinéma, la surabondance de personnages aura tendance à perdre le spectateur d’autant plus). Ainsi, avec un développement plus concret, la mort du bras droit a plus d’efficacité, que ce soit au niveau de la crédibilité du méchant, mais aussi celle du défunt qui ne passe pas que pour un blaireau inutile, mais plutôt pour une énième victime d’un tueur intrépide.
Le cinéma a donc, dans un laps de temps déterminé, plus d’efforts à faire pour lisser son méchant. Le processus fonctionne quasiment tout le temps dans les films de mafia, où au moins un acolyte du parrain est tué à chaque fois, pour des raisons plus ou moins approximatives, qu’on soit dans Scarface ou Le Parrain. Mais les autres films ne sont pas vraiment épargnés, dans Immortels Mickey Rourke a tué à lui seul plus de soldats de sa propre armée que l’armée ennemie. Certaines fois, le charisme d’un personnage maintient en respect ses bras droits : Dark Vador dans Star Wars qui incarne une peur si forte que personne n’ose le défier. D’autres font bien moins de détails, à l’image du Joker dans The Dark Knight qui assassine tous les membres de son équipe, accentuant le côté solitaire et dangereux du personnage.
Cependant, le cinéma est parfois moins féroce que ne le sont les livres. Vous vous rappelez sûrement de Peter Pettigrow, l’étrange acolyte de Voldemort qui a remué ciel et terre pour faire renaître le Seigneur des Ténèbres. Dans le film, sa fin est plutôt floue : il est simplement désarmé par Dobby avant d’être écarté du grand écran, sûrement pour éviter l’abondance de scénarios inutiles. Mais dans les bouquins, Peter Pettigrow est tué par la main d’argent que lui avait octroyé Voldemort pour le remercier de sa renaissance… Cruel, dites-vous ?
Et si ça ne servait à rien ?
Si l’on retourne en terre cinématographique en essayant d’extraire du contenu rationnel, au-delà du "méchant qui est vraiment méchant", on ne trouve rien. En réalité, le concept est même plutôt paradoxal. Quand un méchant tue son bras droit, il doit déborder de confiance en lui, être à l’apogée de ses ambitions. En vérité, c’est tout l’inverse. En tuant son acolyte, le méchant bascule ainsi sur la pente descendante, celle du loup solitaire sadique qui perd la confiance de son "équipe" en installant un climat de peur. Faites le test : hormis quelques rares exceptions, au moment précis où le méchant tue son bras doit, il s’enferme dans une bulle que percera plus facilement le héros. Comme quoi : votre bras droit vous servira toujours.
Hum
Heu...