[MAJ] Red Dead Redemption 2 : des semaines "à plus de 100 heures" pour boucler le jeu à temps

15 octobre 2018 à 16h49 dans Jeux vidéo

Depuis les années 2010, le crunch, qui désigne une période intense de travail regroupant heures supplémentaires, payées ou non, et pression salariale, a été de plus en plus médiatisé. Cette pratique, souvent tue mais pourtant bien réelle, a été utilisée pour Red Dead Redemption 2, apprend-t-on, lorsque Dan Houser est revenu sur la conception de ce titre, qui s'annonce comme un incontournable de cette génération de consoles. 

[MAJ] Red Dead Redemption 2 : des semaines

le crunch, vice de l'industrie du jeu vidéo

Même si la pratique n'est pas endémique au monde du jeu vidéo, là est son nom au sein de l'industrie. Le crunch, dénoncé de manière privée pendant des années, a finalement fini par faire les gros titres. Mediapart et Canard PC, par exemple, ont annoncé en décembre 2017 la mise en place d'un partenariat visant à pointer le doigt sur les dérives de ces pratiques et notamment des conditions de travail douteuses au sein de certains studios, comme chez les français de chez Quantic Dream.  

Seulement, plus récemment, c'est dans une interview au micro de Vulture que Dan Houser, co-fondateur et co-président de Rockstar Games, a indiqué que les employés avaient dû entreprendre des phases de crunch : "Nous avons fait des semaines de 100 heures, plusieurs fois en 2018". Un projet énorme qui comporte 300 000 animations et 500 000 lignes de dialogue. Rockstar a tenu, avec Red Dead Redemption 2, à se rapprocher de la perfection, quitte à repousser le jeu à plusieurs reprises, en mai 2017 et en février 2018, alors que la date de sortie initiale était placée à l'automne 2017. 

Cette recherche de la perfection semble absolument partout, y compris dans les trailers du jeu et ses publicités pour la TV : "nous en avions probablement fait 70 versions, mais les éditeurs ont pu en faire plusieurs centaines. Sam et moi faisons beaucoup de suggestions, de même que les autres membres de l'équipe". Néanmoins, le résultat en vaudrait la chandelle, si l'on en croit Dan Houser, puisque Red Dead Redemption 2 est "cette expérience naturelle, harmonieuse, dans un monde qui apparaît réel, un hommage interactif à l'expérience rurale américaine. C'est une vaste mosaïque en quatre-dimensions dans laquelle la quatrième dimension est le temps, dans laquelle le monde se déplie autour de vous, dépendamment de ce que vous faites".  

Avec ses déclarations, Dan Houser ne semble pas effrayé par la polémique. Une controverse qui avait déjà fait surface en 2010, à l'occasion de la sortie de Red Dead Redemption premier du nom, après la publication d'une lettre ouverte par des conjointes de développeurs, qui critiquaient les conditions de travail et des menaces si les employés osaient moufter : des semaines de 60 heures, à 12 heures/jour, y compris les samedi et le tout, sans se plaindre ou des actions disciplinaires seraient prises. Des méthodes démenties à l'époque par Rockstar, qui ne cache pas forcément aujourd'hui devoir mettre en place des crunch, pour respecter les deadlines. Une pratique décriée, mais qui pourtant existe bel et bien :

"Je suis là pour faire des jeux. Mais le truc, c’est que la passion est le levier idéal pour que les employeurs nous exploitent. Nous ferions n’importe quoi pour travailler dans les jeux vidéo et faire des jeux, et ils savent que nous sommes prêts à tout. [Mais vous] pouvez être passionné par les jeux tout en étant défendu correctement."  rappelait la développeuse derrière le pseudo d’Emma Kinema, l'une des fondatrices de la Game Workers Unite au site Polygon

MAJ : Après son interview publiée dans Vulture, Dan Houser a tenu à éclaircir certains de ses propos, notamment ceux mentionnant "les semaines de 100 heures". Comme le rapporte nos confrères de chez Gameblog, voici le communiqué envoyé par Houser à Kotaku

"Il semble qu'il y ait eu une méprise suite à la publication de mon entrevue avec Harold Goldberg. Ce que je tentais d'expliquer dans l'article concernait la manière dont ont été conçues l'histoire et les dialogues. C'est ce dont nous avons parlé la majeure partie de notre temps ensemble, pas des différentes méthodes de travail des équipes au global. Après avoir travaillé sur le jeu pendant sept ans, l'équipe des scénaristes principaux - qui regroupe quatre personnes, à savoir Mike Unsworth, Rupert Humphries, Lazlow et moi-même - s'est réunie, comme elle le fait à chaque fois, pour trois semaines de travail intense où nous avons tout bouclé. Je parle de trois semaines, pas d'années. Nous travaillons ensemble depuis au moins 12 ans et nous sentons que nous devons faire ainsi pour que tout finir. Après tant d'années à organiser et mettre le projet sur pieds, nous avons ressenti le besoin de passer par là pour tout vérifier et finaliser.

Plus important et évident : nous n'attendons de personne ce rythme de travail. Dans notre compagnie, nous avons des personnes expérimentées qui travaillent très dur simplement parce qu'elles sont passionnées par un projet, ou leur travail en particulier, et nous pensons que cette passion se ressent dans les jeux que nous publions. Mais cet effort supplémentaire est un choix. Nous ne demandons à personne de travailler ainsi. Des tas d'autres développeurs seniors travaillent différemment et sont tout aussi productifs - je n'en fais simplement pas partie ! Personne, senior ou junior, n'est obligé à travailler durement. Je crois que nous faisons ce qu'il faut pour tenir une société qui prend soin de ses employés, et faire de la compagnie un bel endroit pour travailler."

Après un Master en Journalisme à l'IEJ, j'intègre définitivement la rédaction d'Hitek en 2017. Passionné de jeux vidéo, de nouvelles technologies, de science-fiction et de pancakes, je me complais à partager mes centres d'intérêts avec le plus grand nombre. Toujours partant pour un Jägerbomb en terrasse.

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Commentaires (7)
Elle a bon dos la passion quand même...
photo de profil de Billy Par Billy, il y a 6 ans Répondre
Allez hop hop hop les esclaves, mon jeu va pas sortir à temps sinon et je pourrai pas aller mettre une note de merde parce que je dois télécharger un patch day one.
photo de profil de DuRd3n Par DuRd3n, il y a 6 ans Répondre
C'est vraiment des grands malades !!
photo de profil de Tartiflette Par Tartiflette, il y a 6 ans Répondre
"Dan Houser ne semble pas effrayer par la polémique"--> ne semble pas être effrayé, non ?
photo de profil de freo57 Par freo57, il y a 6 ans Répondre
Salut,
en bas de l'article, avant les commentaires tu peux trouver sur la gauche un bouton noir "Une erreur ?" , il te permet de proposer une correction dans l'article en cliquant sur la phrase avec une faute.
Je pense qu'Hitek devrait en faire un article ou tout du moins le rendre bien plus visible, trop peu de personnes connaissent cette fonctionnalité alors qu'on voit beaucoup de commentaires sur des fautes d'orthographe.
photo de profil de Gifith Par Gifith, il y a 6 ans (en réponse à freo57) Répondre
Je travaille dans les effets spéciaux, principalement sur des films de superhéros, ou la méthode de travail est très proche des jeux vidéos. Le problème est le même. Le type à la tête du studio décide d'une release date aléatoire sans écouter l'équipe ou selon le petit gribouillage qu'il a fait sur son joli tableau blanc, et ensuite le relâche dans la presse, mettant 300-500 employé dos au mur. Au nom de la passion, les studios se sentent autorisés à nous faire faire des semaines de 70-80h.

Les heures sup ne sont bien entendus pas payées. Les studios ferment systématiquement toutes portes à la création de syndicat (tu m'étonnes). Certains producteurs osent même avoir recours au chantage avec les personnes sous visa (Sur "Le livre de la jungle" de Disney, j'ai notamment entendu un producteur dire à une fille en pleurs : "Je sais qu'il est 3h du mat et qu'on recommence à 9h, mais si tu rentres chez toi maintenant, tu peux directement retourner en Nouvelle Zélande...")

Une autre pratique consiste aussi à mettre en place des meetings obligatoires quotidiens "avant et après" les heures légales pour forcer les plus réticents (dont je fait partie), a faire une a deux heures sup par jour, évidemment en période "hors crunch", parce faut pas déconner non plus...
photo de profil de Walckock Par Walckock, il y a 6 ans Répondre
Oublié une petite anecdote... Certains studios dont je tairai le nom sous-traitent les tâches les plus basiques (détourage, cracking, etc.) à leur filiales indiennes... Là-bas on ne parle plus de crunch, on mets carrément des lits dans le studio.

Il y a eu 4 crises cardiaques sur une seule année dans ce même studio, pour une moyenne d'âge d'environ trente ans... je suppose que ce n'est qu'une coincidence...

photo de profil de Walckock Par Walckock, il y a 6 ans (en réponse à Walckock) Répondre
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