Cinq séries sorties en 2020 qu'il faut visionner de toute urgence !

Depuis maintenant quelques semaines, nous avons tous les yeux rivés sur la saison 2 de The Mandalorian. Cela faisait longtemps qu'une série n'avait pas autant excité conjointement le public et la presse, au rythme des semaines. Pourtant, l'année 2020 aura été très riche en séries palpitantes, même si certaines sont malheureusement restées inaperçues. 

Attention : Nous avons choisi de ne pas mentionner, dans cette sélection, Le Jeu de la Dame. En effet, la série jouit d'un énorme succès, amplement mérité. De ce fait, si elle a amplement sa place dans un top des meilleures séries de 2020, elle ne pouvait figurer dans cette sélection.

1 / Tales From The Loop (Amazon Prime Video)

Sortie sur Amazon Prime Video au printemps dernier, Tales From The Loop est une véritable claque. Cette mini-série SF, inspirée d'un jeu de rôle suédois, raconte le quotidien des habitants d'une petite bourgade nord-américaine dans les années 80, dans laquelle se trouve The Loop, un gigantesque accélérateur de particules, à l'origine d'événements étranges. Prenant la forme d'une mini-série d'anthologie, où chaque épisode traite du destin d'un personnage en particulier, cette série frappe par son originalité. Révolutionnant l'esthétique de la SF, avec ses forêts enneigées et ses robots rouillés et grinçants, Tales From The Loop évoque énormément la mythique série La Quatrième Dimension. D'une poésie folle, qui terrasse le coeur, la série parvient à réinventer des concepts pourtant éculés de la SF : les adolescents qui changent de corps, l'homme qui voyage entre les dimensions, le jeune couple qui arrête le temps.

Chaque épisode, magnifiquement mis en scène par des réalisateurs de renom tels Mark Romanek (Never Let Me Go) ou Andrew Stanton (WALL-E), est une bulle de poésie enchanteresse et de mélancolie dévastatrice, que vient souligner avec beaucoup d'efficacité la musique toujours sublime du légendaire Philip Glass. Un mot sur le casting, aussi, avec en tout premier lieu Jonathan Pryce (Brazil, Game of Thrones, Taboo). Acteur principal du meilleur épisode de la série (le quatrième), l'acteur livre une interprétation qui ne souffre d'aucune faille, dans ce rôle de grand-père cherchant à apprendre à son petit-fils l'inexorabilité de sa propre disparition. Citons également Rebecca Hall (Le Prestige), Paul Schneider (L'Assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford), Dan Bakkedahl (Veep) et Ato Essandoh (Django Unchained). Une série à découvrir urgemment !

2 / The Plot Against America (HBO)

Nouvelle collaboration entre la mythique chaîne HBO et le légendaire David Simon, à qui l'on doit les chefs d'oeuvre The Wire, Treme, Show Me A Hero et The Deuce, The Plot Against America est une mini-série adaptant le roman éponyme du grand Philip Roth, malheureusement décédé en 2018.  Dans The Plot Against America, ce n'est pas Franklin Roosevelt qui remporte l'élection présidentielle en 1940, mais Charles Lindbergh, l'aviateur américain Charles Lindbergh, sympathisant du régime nazi, soutenu par une partie de la communauté juive pour son discours anti-belliciste. On y suit, le temps de six épisodes particulièrement intenses, le quotidien de la famille Levin (Roth dans le livre), qui va connaître de nombreux déchirements sous le mandat de Charles Lindbergh, du fait de leurs nombreux désaccords politiques. 

Que David Simon adapte un roman de Philip Roth tient de l'évidence, les deux artistes étant parmi les plus grands portraitistes de l'Amérique, aux côtés de Martin Scorsese, Bob Dylan ou l'écrivain Tim Wolfe. Avec The Plot Against America, Simon signe ici son oeuvre la plus ouvertement narrative, et donc la plus facile d'accès. Particulièrement bien écrite, elle mérite d'être analysée à la fois comme une adaptation réussie du roman de Philip Roth, mais également comme une série de David Simon, puisque le scénariste y traite de toutes ses obsessions. Comme dans chacune de ses séries, Simon analyse avec brio comment le politique se mêle à l'intime. Pourquoi, parmi la myriade de romans de l'auteur de Portnoy et son complexe, J'ai épousé un communiste ou La Tâche, David Simon a-t-il choisi d'adapter ce roman en particulier ? On aurait tort de penser que The Plot Against America n'est qu'une diatribe anti-Trump. Ancien journaliste, David Simon saisit avant tout l'occasion de photographier le comportement des américains entre deux élections, tout en tentant d'expliquer les raisons pour lesquelles certains électorats votent manifestement contre leurs intérêts (on rappelle que Donald Trump a pu bénéficier du soutien d'électeurs afro-américains et amérindiens). 

The Plot Against America est également un véritable modèle en matière d'uchronie, genre qui connait un véritable regain d'intérêt, comme en témoignent les sorties très rapprochées de Once Upon a Time in Hollywood, le dernier chef d'oeuvre de Quentin Tarantino, la mini-série Watchmen, la dernière claque de Damon Lindelof (The Leftovers) ou encore Hollywood, de Ryan Murphy (America Horror Story). Mêlant à la perfection faits réels, images d'archives et fiction, la mini-série est, en la matière, un véritable tour de force ludique. Il faut aussi parler du casting, absolument grandiose. David Simon retrouve Zoe Kazan (The Deuce, La Ballade de Buster Sruggs) et Winona Ryder (Show Me a Hero, Edward aux Mains d'Argent, Stranger Things). L'excellent John Turturro (The Night Of), bien connu des fans des frères Coen, signe ici sa première collaboration avec David Simon. Il y interprète le rôle du rabbin Bengelsdorf. Mais la véritable révélation de The Plot Against America aura été Morgan Spector (Boardwalk Empire), dans le rôle du patriarche de la famille Levin. 

3 / Perry Mason (HBO)

En proposant à HBO de produire un reboot de la légendaire série policière américaine Perry Mason, c'est un sacré pari que s'est lancé Robert Downey Jr. (Iron Man). En effet, pour beaucoup de monde, Perry Mason c'est une série de 82 romans policiers, écrits par l'écrivain Erle Stanley Gardner entre 1933 et 1973 ; une série télévisée de 271 épisodes sur neuf saisons, diffusés entre 1957 et 1966 sur la chaîne CBS, avec l'excellent Raymond Burr (Fenêtre sur cour) dans le rôle principal ; enfin, c'est trente téléfilms, toujours avec Raymond Burr, produits entre 1985 et 1995. L'action de cette nouvelle version de Perry Mason se déroule en 1932, Perry Mason, détective privé et avocat, enquête sur le sinistre meurtre d'un nouveau-né. Une affaire criminelle et judiciaire qui bouleversera à jamais la vie de Perry Mason et la Cité des Anges. 

Initialement, la série devait être écrite par l'excellent Nic Pizzolatto, le créateur de la mythique série True Detective. Mais engagé sur la troisième saison de sa série d'anthologie policière, Pizzollatto a décliné l'offre, et ce sont les scénaristes Rolin Jones et Ron Fitzgerald qui ont eu la délicate charge de donner forme à ce projet. Et force est de constater que c'est une véritable réussite. En huit épisodes, les showrunners sont parvenus à proposer un reboot / prequel efficace à la série des 50/60. Si la première partie, absolument passionnante dans sa façon de rendre hommage aux films noirs, est différente de tout ce à quoi son aînée nous avait habitués, sa seconde partie satisfera pleinement les fans de la première heure. 

Le scénario, finement ciselé, n'est pas le seul point que marque Perry Mason. Comme d'habitude, HBO a mis les moyens pour produire une série très riche artistiquement. Pour ce faire, la chaîne à embauché le metteur en scène Tim Van Patten, pour mettre en scène cinq épisodes sur les huit que compte Perry Mason. Réalisateur historique de la chaîne, connu notamment pour avoir réalisé les deux premiers épisodes de Game of Thrones, plusieurs épisodes de Boardwalk Empire, de Rome, de The Pacific et des Soprano, Van Patten livre des épisodes à la mise en scène aussi soignée que précise. Autre gros atout de Perry Mason : son casting est parfait, avec en tout premier lieu Matthew Rhys dans le rôle-titre. Brillant et charismatique, l'acteur de The Americans signe ici une interprétation qui devrait lui garantir un Emmy Awards du Meilleur acteur dans une série dramatique. A noter par ailleurs que Perry Mason a été conçue comme une mini-série. Mais face au succès critique de la série, HBO l'a finalement renouvelé pour une saison 2.

4 / Killing Eve (BBC)

Après avoir triomphé avec les deux saisons de sa série Fleabag, la britannique Phoebe Waller-Bridge a créé pour la BBC la série Killing Eve, dont la troisième saison est sortie cette année. Adaptant la série de romans Codename Villanelle, la série raconte la traque obsessionnelle d'une tueuse à gage psychopathe, Villanelle (Jodie Comer), par une agente du MI6, Eve Polastrie (Sandra Oh). Renouvelant les codes du thriller d'espionnage, Killing Eve est une série dynamique, dans laquelle la violence côtoie un humour british délicieux. 

La plus grande force de Killing Eve c'est avant tout son casting prestigieux. Jodie Comer est exceptionnelle en tueuse psychopathe et égoïste. Charismatique, l'actrice britannique livre une prestation complètement déjantée, qui fait d'elle la véritable attraction de la série.  Sandra Oh, que l'on a découverte dans Grey's Anatomy, est tout aussi convaincante, bien que l'actrice américaine livre une interprétation plus sobre, plus classique, comparativement à sa collègue. Killing Eve est également l'occasion de retrouver Fiona Shaw, l'éternelle Tante Pétunia dans les films Harry Potter, dans rôle à sa mesure, où son attitude pince-sans-rire fait des merveilles. Peut-être en deça des deux saisons précédentes, la saison 3 de Killing Eve est néanmoins riche en rebondissements. Des personnages secondaires adorés des fans meurent brutalement, de nouveaux personnages font leur apparition. Surtout, on en apprend plus sur le passé de Villanelle.

5 / His Dark Materials (HBO / BBC)

La première saison de His Dark Materials, adaptation en série de la cultissime trilogie de Fantasy de Philip Pullman A la Croisée des Mondes par HBO et la BBC, était malheureusement passée inaperçue, malgré ses très grandes qualités. Extrêmement généreuse, la série avait néanmoins souffert de paraître en même temps que trois autres séries-événement : la prometteuse première saison de The Mandalorian, Watchmen, le dernier chef d'oeuvre de Damon Lindelof, et la première saison de The Witcher. Par ailleurs, la série souffrait également de certains défauts, avec en tout premier lieu certains choix scénaristiques qui affaiblissaient certaines scènes du livre, à l'image de la première apparition de Madame Coulter. 

Fort heureusement, conscients du haut potentiel de cette adaptation, HBO et BBC ont décidé de renouveler la série, et d'adapter le second tome de la trilogie, La Tour des Anges. Commençant là où la première saison s'était terminée, cette nouvelle salve d'épisodes saura assurément convaincre ceux qui avaient découvert la première saison avec circonspection. En effet, les premiers épisodes de cette saison 2, qui en comptera sept (la pandémie de Covid-19 a contraint la BBC à renoncer à un épisode centré sur Lord Asriel), sont à la fois plus rythmés et plus épiques. Par ailleurs, les spectateurs qui n'ont pas lu les livres ont désormais toutes les cartes en mains leur permettant de suivre avec plaisir l'histoire qui leur est contée. Quant à ceux qui, à l'instar de l'auteur de ces livres, avaient beaucoup apprécié la première saison, se satisferont de retrouver la petite Lyra et le jeune Will dans leur voyage entre les mondes. Si cette saison 2 trouve un succès plus retentissant que la première, on espère que la BBC et la HBO adapteront La Trilogie de la Poussière, sequel et prequel de His Dark Materials, dont le second volume, La Communauté des Esprits, a récemment été publié en France.