Pourquoi les femmes sont si peu invitées dans les vidéos des youtubeurs français ?

Depuis plusieurs années, les youtubeurs français reconnaissent le manque de parité femmes-hommes dans leurs vidéos. Pourtant, les chiffres montrent que la situation évolue peu. Les grands formats de divertissement disponible sur YouTube, les fameux "flat and fun" restent en grande majorité masculins comme le souligne FranceInfo.

Une sous représentation bien visible

À la rentrée 2025, Michou (10,6 millions d'abonnés) a lancé sa série Terminal avec 16 candidats, dont seulement 3 femmes. De son côté, Squeezie (19,7 millions d'abonnés) a annoncé un projet à 700 000 € mais seules 2 participantes sont des femmes parmi les 10 invités. Pour ce qui est de Joyca (6,7 millions d'abonnés), il n'a fait apparaitre des femmes que dans 3 de ses 12 dernières vidéos collaboratives.

Cette faible présence se reflète aussi dans le classement des plus grosses chaines YouTubes françaises. Parmi les 35 plus grosses chaines françaises les plus suivies, seules quatre sont tenues par des créatrices :

• 17e position : Natoo
• 24e position : L'atelier de Roxane
• 34e position : EnjoyPhoenix
• 35e position : Lena Situations

Les explications possibles

Des clichés profondément ancrés

Interviewé par Hugo Décrypte en 2024, Squeezie pointait notamment l'influence de l'histoire d'Internet.

Ma théorie, c'est qu'Internet s'est construit pendant des années autour du jeu vidéo et que les jeux vidéo étaient plus vus "pour les mecs", les bons vieux clichés.

Aujourd'hui encore, la majorité des créatrices publient sur la beauté, la mode ou le lifestyle, alors que les plus gros formats de divertissement, plus fédérateurs, restent dominés par les hommes.

La perception du public

Pour Juliette Wood, cofondatrice de l'association Lié.e.s, "l'humour reste un truc de mecs. Dès qu'une femme s'y essaye, elle est tout de suite pointée du doigt et considérée comme pas drôle, même avec les mêmes blagues".

La crainte du cyberharcelèment

Le cyberharcelèment est un point particulièrement important. Les créatrices de contenus sont souvent victimes d'attaques ciblées. Emma, collaboratrice de Joyca, a été massivement harcelée après une apparition dans une vidéo en 2023. Maghla, streameuse et youtubeuse, témoigne régulièrement sur le sujet et notamment lors des différentes vagues plus ou moins importantes dont elle est victime. 

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Selon Juliette Wood, les femmes osent moins accepter ce genre de concept parce qu'elles savent qu'elles vont être critiquées derrière. C'est un cercle vicieux qui dissuade bien évidemment les créatrices de participer aux projets avec les hommes. Et évidemment, les youtubeurs se sentent également concernés par la chose et prennent certainement à regret le choix de ne pas intégrer plus de femmes aux contenus.

Les histoires de cyberharcèlement chez les créatrices sont nombreuses, nous avons cité Maghla, mais on peut également rappeler que Léna Situations avait été vivement critiquée sur ses choix et son apparence en 2021 et une nouvelle fois en 2022. La streameuse Ultia avait également évoqué publiquement le cyberharcèlement qu'elle subissait et a déclaré être fatiguée par le nombre de menaces et humiliations quotidiennes, parfois très explicites et sexistes.

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Un phénomène d'homosocialité

Pour Déborah Gay, une enseignante-chercheuse en sciences de l'information à Toulouse, un autre mécanisme est à l'oeuvre : l'homosocialité. Une tendance souvent inconsciente qui pousse à rester entre personnes du même sexe. Vous avez certainement déjà constaté dans votre vie ce phénomène assez étrange où lors d'une soirée, les femmes restent avec les femmes et les hommes avec les hommes. C'est un peu la même chose entre les créateurs de contenus.

Des collaborations qui doivent absolument fonctionner

Évidemment, les créateurs doivent impérativement réussir à créer des collaborations qui fonctionnent pour que les vidéos soient des réussites, en mixant des caractères "compatibles".

Pour qu'une vidéo "feat and fun" fonctionne, chaque invité doit pouvoir trouver sa place facilement pour ne pas créer de malaises et pour qu'aucune personnalité ne se retrouve de côté ou au contraire, ne prenne trop de place. C'est un casse tête auquel les créateurs et créatrices doivent inévitablement faire face pour assurer la réussite des vidéos et certaines peuvent coûter des milliers d'euros à en juger par les récents projets des plus gros youtubeurs français. Des choix sont alors faits, et malheureusement, les femmes peuvent plus souvent être évincées des projets.

Le problème dépasse YouTube

Le manque de parité sur YouTube n'est pas unique. De manière plus générale, dans les médias, les hommes restent majoritairement à l'écran. La différence étant que les créateurs du web semblent reconnaitre davantage le problème selon Déborah Gay. Mais la prise de conscience ne suffit pas et gérer sa communauté, modérer les commentaires et prévenir le harcèlement sont des responsabilités que les créateurs doivent impérativement assumer (c'est de plus en plus le cas).