On apprend aujourd'hui que quatorze influenceuses féministes, présentes sur Instagram, ont porté plainte aujourd'hui contre Facebook. Explications.
Deux poids deux mesures ?
Depuis l'apparition du mouvement #MeToo, le lien entre activisme féministe et réseaux sociaux n'est plus à démontrer. Face à l'inertie des procédures judiciaires, Facebook, Instagram, Twitter sont devenus de véritables terrains de luttes, où se sont fait entendre aussi bien les observations que les colères de femmes, militantes féministes affirmées ou non.
Cependant, malgré le fait que les réseaux sociaux soient des outils indispensables pour les militantes féministes, ils ne se laissent pas facilement domestiquer, et les influenceuses sont régulièrement sujettes à la censure. On se souvient bien évidemment de la peinture L'Origine du Monde, de Gustave Courbet, qui représente un sexe féminin, et qu'il est impossible de publier sur Facebook ou Instagram sans voir la publication automatiquement supprimée. On se rappelle également la profonde colère de Marion Cotillard, suite à une censure abusive d'une photo personnelle.
Le 21 janvier, une question posée par plusieurs influenceuses féministes ("Comment fait-on pour que les hommes arrêtent de violer ?") a été censurée par Instagram, ce qui a causé l'ire de nombreuses militantes. Pour elles, c'est la goutte de trop qui a fait déborder le vase. Quatorze influences, dont Clit.Revolution et Jouissance Club, ont assigné Facebook en référé, auprès du Tribunal de Justice de Paris.
Observant une injustice dans les méthodes de modération d'Instagram et de Facebook (la maison-mère), ces militantes féministes considèrent être victimes d'un "deux poids deux mesures". Leur avocate, Maître Valentine Rebérioux, observe dans les colonnes du Parisien :
D'un côté, il y a une censure ou une menace de censure excessive qui pèse sur ces influenceuses dans leur travail quotidien, mais aussi sur de nombreux comptes privés de féministes. De l'autre, il y a un laxisme envers la haine ou le harcèlement en ligne, avec des messages à caractères racistes, antisémites, homophobes, sexistes qui prospèrent sur la plateforme. On ne peut plus accepter de subir ce deux poids, deux mesures.
Facebook et Instagram seraient-ils excessivement sévères envers les comptes féministes, tout en montrant de la complaisance envers les harceleurs, le racisme et l'homophobie ? Pour les plaignantes, le but de cette assignation est clair : pousser Facebook à rendre publiques ses outils de modération, ainsi que les résultats des méthodes utilisées..
L'assignation des plaignantes serait, toujours selon Le Parisien, étayée de nombreux documents mettant en évidence l'injustice manifeste qui se cache derrière la modération de Facebook et Instagram. A noter par ailleurs que, compte tenu des "enjeux d'ordre publique", l'expertise indépendante demandée par les plaignantes devra être faite aux frais de Facebook, selon la demande l'avocate.
Dans leur assignation, les quatorze influenceuses expliquent que pour elles, c'est la double-peine, puisque s'ajoute à l'injustice d'être censurée l'impossibilité de faire la promotion de leurs produits (livres, clips, etc).
Sans juger de la pertinence ou non de cette assignation en justice, nous supposons que cette affaire devrait relancer, indirectement, les débats autour de la loi contre les propos haineux sur internet (aussi appelée loi Avia). En effet, cette PPL prévoyait de pousser les réseaux sociaux à supprimer les publications à caractère haineux dès lors qu'elles sont signalées, agitant la menace de fortes amendes en cas de non-suppression. Si cette PPL permettrait (peut-être) d'aller à l'encontre du "deux poids deux mesures" pointé du doigt par les militantes féministes, on peut cependant se demander si, en contrepartie, elle ne faciliterait pas la censure des publications de ces influenceuses.
Quoiqu'il en soit, une audience est fixée au 12 mai prochain. Bien évidemment, en tant qu'observateurs attentifs des réseaux sociaux, nous ne manquerons pas de chroniquer pour vous ce procès.
Par Sid le Paresseux, il y a 3 ans :
Je comprends que ça fasse chier de se faire censurer, surtout quand des harceleurs ne se font même pas prendre. Par contre, je pense qu'il faudrait aussi se poser quelques questions : je ne pense pas que ceux qui ont signalé la phrase "Comment fait-on pour que les hommes arrêtent de violer ?" soient des masculinistes anti-féministes fascistes et cie. Seulement, il y a un soupçon de misandrie dans cette question, qui posée telle quelle, sous-entend que tous les hommes seraient des violeurs en puissance. D'autant qu'encore une fois, même si dans des proportions minimes, le viol marche aussi dans l'autre sens. Ce n'est pas avec ce type de question qu'on fera avancer la cause féministe et qu'on luttera contre le viol. Je pense sincèrement que se limiter au raccourci homme = violeur, c'est ne pas prendre en compte tout un tas de paramètres, notamment le paramètre économique. Vous ne voulez plus de harcèlement sexuel et de viols en entreprise ? Travaillez à l'égalité salariale, limitez le salaire du patronat. Le mec payé 20 000 euros par mois qui a tout pouvoir sur sa stagiaire payée au lance-pierre se sent protégé quand il harcèle et abuse, parce qu'il se dit qu'on ne portera pas plainte contre lui, par peur de la perte de l'emploi. Posez vous les bonnes questions, bon sang !
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