A l'occasion des 25 ans de son film coup de poing La Haine, le réalisateur et acteur Mathieu Kassovitz s'est longuement exprimé sur les films qui l'ont inspiré en tant qu'artiste et sur sa conception du cinéma. Dézinguant au passage quelques films récents, dont les derniers longs-métrages du réalisateur Christopher Nolan.
Mathieu Kassovitz contre les CGI
On ne peut pas écrire et réaliser La Haine et avoir sa langue dans sa poche ! Mathieu Kassovitz en fait régulièrement la démonstration.Si l'acteur et réalisateur est connu pour son caractère piquant et éruptif, il est aussi un artiste talentueux, un metteur en scène accompli, avec une grande culture cinématographique, comme en témoigne son passage au "Vidéo Club" de nos confrères de Konbini. Comme Albert Dupontel (Bernie), Guillaume Canet (Les Petits Mouchoirs), Edward Norton (Brooklyn Affairs) et Taika Waititi (Thor : Ragnarok) avant lui, Mathieu Kassovitz s'est longuement exprimé sur les réalisateurs et les films qui l'ont construit, en tant qu'homme et en tant qu'artiste. Il loue ainsi le travail des réalisateurs Steven Spielberg (Jurassic Park), Michel Gondry (Eternal Sunshine of the Spotless Mind), David Fincher (Fight Club), mais également des films tels que Ben-Hur ou Docteur Folamour.
Kassovitz fait également part de son profond désarroi face à l'utilisation excessive des CGI dans le cinéma d'aujourd'hui. Ainsi, confie-t-il, il n'a pas pu regarder Mad Max : Fury Road de George Miller, à cause de l'avalanche d'effets numériques. Il confesse : "Je n'ai pas pu regarder plus de vingt minutes." Autres films qui ont profondément lassé le réalisateur français : Tenet et Interstellar de Christopher Nolan. Bien qu'il considère Nolan comme étant un "super réalisateur", le réalisateur fait part de son profond agacement face à l'avalanche d'effets numériques : "Tourner Tenet en pellicule, un film qui est ensuite 90% de digital, je ne vois pas l'intérêt."
Les progrès énormes fait dans le domaine des effets spéciaux ont-ils détruit le cinéma ? C'est ce que pense Mathieu Kassovitz : "Aujourd'hui, tout est possible en numérique, et tu ne peux plus rêver." Le réalisateur compare notre époque à celle du premier Superman et de la trilogie originale de Star Wars : "Quand un film comme cela sortait, c'était un événement. [...] On voyait des choses que l'on 'avait jamais vu au cinéma, et on se demandait comment c'était possible." On aurait tort de considérer les propos de Mathieu Kassovitz comme ceux d'un "vieux schnock rétif au moindre progrès".Comme ceux de Martin Scorsese concernant les films du Marvel Cinematic Universe, ils permettent de proposer un véritable débat de philosophie du cinéma. Le réalisateur de Babylon A.D. utilise d'ailleurs ce terme, lorsqu'il parle de son admiration pour Spielberg, avec qui il a déjà collaboré :
Munich de Steven Spielberg a été tourné et monté en pellicule. Pas de CGI dans le film, par rapport au sujet et à son travail de réalisateur, Spielberg a tourné en pellicule comme s'il tournait dans les années 80. Ca je comprends. C'est une philosophie.
Les questions que soulèvent les diatribes de Kassovitz et Scorsese contre l'omniprésence des CGI sont absolument passionnantes, parce qu'elles apportent avec elles d'autres questions, tout aussi primordiales. L'avalanche de CGI dans le cinéma Hollywoodien n'a-t-il pas profondément bouleversé la manière de faire des films ? Du fait de leurs coûts souvent exorbitants, n'ont-ils pas permis aux studios Hollywoodiens d'affermir leur pouvoir sur les réalisateurs, qui doivent justifier auprès d'eux des budgets de plus en plus élevés ? Aujourd'hui, les effets spéciaux ne se contentent plus de suggérer, au moyen d'artifices plus ou moins développés, l'irréel ; ils permettent de le créer. Cela ne change-t-il pas notre manière de consommer les films ? Lorsque l'on regarde les premiers Star Wars ou Dark Crystal, le spectateur fait un effort pour rentrer dans le film, il passe un pacte avec le réalisateur. Malgré l'artificialité apparente des effets spéciaux, il promet d'y croire au maximum. Ce pacte est aujourd'hui rendu caduc : le spectateur n'a plus besoin de faire autant d'efforts pour y croire. Quoiqu'il en soit, que l'on soit d'accord ou non avec les propos de Mathieu Kassovitz, il est intéressant que ces questions soient posées, et nous avons hâte de lire vos avis sur ces questions philosophico-artistiques dans l'espace commentaires..
Par Old Yoda, il y a 3 ans :
Intéressant effectivement. Ca me fait penser à une discussion que j'ai eue avec un ami, concernant la supériorité des vieux Disney par rapport aux nouveaux. Je leur trouve une certaine innocence, dans leur création, que je ne retrouve plus aujourd'hui. Même au niveau des gags : les gags de Zootopie sont clairement plus efficaces, et plus adaptés à notre époque, mais je préfère ceux de Blanche Neige. Je les trouve plus simples, mais aussi plus "mignons". J'ai moins l'impression qu'ils me prennent par la main et m'indiquent là où il faut rire aussi... Bref, même si je suis impressionné par les progrès qui sont faits en matière d'effets spéciaux, je comprends l'agacement de Kassovitz
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