Intelligence artificielle : le danger des deadbots, ces avatars de personnes mortes
Nous avons malheureusement tous déjà connu la perte d'une connaissance plus ou moins lointaine, d'un proche, voire d'un parent. Et que ne donnerions-nous pas pour les revoir au moins une fois ? Sur le papier, c'est désormais possible, grâce à l'intelligence artificielle. Mais faut-il pour autant céder à la tentation ?
"je vois des gens qui sont morts"
On ne vous apprendra rien si l'on vous dit que les intelligences artificielles permettent à peu près tout et n'importe quoi, de nos jours. Générer de longs textes et des images, converser, modifier la voix de quelqu'un, effectuer des tâches rébarbatives dans le milieu professionnel, etc. Mais les IA peuvent-elles ressusciter les morts ? Oui, dans une certaine mesure. Il est en effet possible de générer des avatars de personnes décédées et même de leur faire tenir des discours cohérents, avec une voix proche de l'originale, si tant est que l'on ait assez de données exploitables pour cela (photos, échantillons vocaux...).
On appelle ces IA des "deadbots", et l'un des cas les plus connus est celui du père de Kim Kardashian, dont l'hologramme est venu s'adresser à sa fille à l'occasion de son quarantième anniversaire (image ci-dessous). A l'époque "Kim K" avait été submergée par l'émotion et avait plutôt bien réagi. Mais dans la plupart des cas, ces deadbots représenteraient plutôt un véritable danger pour notre santé mentale. C'est ce qu'affirment de nombreux experts depuis longtemps déjà, et un chercheur en psychologie a récemment publié un article allant dans ce sens.
les deadbots, ces ia qui mettent notre santé mentale en danger
On nous avait déjà mis en garde contre les deadbots, mais il y a quelques jours, un professeur et chercheur en psychologie en a remis une couche avec la publication d'un long article dans les colonnes de The Conversation. Du nom de Nigel Mulligan, celui-ci affirme ainsi que ces IA prenant l'apparence de personnes décédées grâce au deep fake (un enregistrement vidéo ou audio réalisé ou modifié grâce à l'intelligence artificielle) et les rendant capables de tenir une conversation sont en réalité dangereux.
Mulligan s'appuie sur des études très sérieuses qui ont conclues que si les deadbots peuvent être réconfortants à petite dose, les risques de dépendance émotionnelle sont trop forts pour être ignorés. Les "IA fantômes", comme il les appelle, "pourraient nuire à la santé mentale des personnes en interférant avec le processus de deuil". Et on ne peut pas vraiment lui donner tort. Qui aimerait voir un proche décédé revenir à la vie comme l'Undertaker ?
Les conséquence des deadbots sur la psychologie de leurs proches risquent d'être encore plus néfastes si la personne décédée a connu une mort particulièrement traumatisante (accident, meurtre...), ou si elle entretenait des relations conflictuelles avec les autres. Pour Nigel Mulligan, le développement de telles IA accroîtrait également les risques de devenir fou. L'expert en psychologie évoque certains cas extrêmes, dans lesquels certaines personnes ont l'impression de voir un proche décédé via des hallucinations. Autant dire que voir un véritable hologramme du proche en question n'aiderait certainement pas à calmer ces visions. Enfin, Mulligan imagine les conséquences dévastatrices qu'aurait un deadbot hors de contrôle, s'il incitait par exemple quelqu'un à le rejoindre dans la mort. Mais on touche ici au domaine de la science-fiction. Ou pas ?
Les débats autour des problèmes de santé et éthiques au sujet des deadbots ne datent pas d'hier. Le premier cas recensé remonte déjà à 2016, lorsqu'une programmeuse russe du nom d'Eugenia Kuyda a fait appel aux proches de Roman Mazurenko, une personne décédée lors d'un accident à Moscou, pour donner vie à son avatar numérique.