Il y a 176 500 ans, l’homme de Néandertal explorait (déjà) les grottes

Dans une étude parue dans la revue Nature, des scientifiques viennent de trouver des traces de vie dans une grotte située dans le sud ouest de la France et pensent qu’il s’agit d’une preuve selon laquelle l’homme de Néandertal était le premier spéléologue de l’histoire en explorant des grottes il y a 176 500 ans !

On imaginait l’homme de Néandertal comme un homme préhistorique rustre et finalement, ça n’est pas le cas. Du moins c’est ce qu’en pensent des scientifiques qui viennent de découvrir des ossements, des traces de feu ou encore des structures circulaires en stalagmites construits il y a 176 500 ans dans la grotte de Bruniquel (Tarn et Garonne). Dans cette étude, l’un des scientifiques qui a pris part à cette découverte, explique que ces traces de vie "reculent considérablement la date de fréquentation des grottes" par le genre Homo. La plus ancienne preuve d’occupation d’une grotte remonte il y a 38 000 ans dans la grotte Chauvet située en Ardèche. Le CNRS ajoute que "cela change également notre vision de Néandertal".

La grotte de Bruniquel, qui surplombe la vallée de l’Aveyron, fut découverte par une équipe de spéléologues en 1990. Malgré les difficultés pour y accéder, elle offre un état de conservation exceptionnel. C’est à plus de 330 mètres après l’entrée que les scientifiques ont découvert des structures composées de 400 stalagmites empilés et agencés d’une certaine manière et dont deux d’entre elles sont de forme circulaire. Dans cette même partie de la grotte, on trouve également de la calcite rougie puis noircie qui est la preuve de l’utilisation du feu, ainsi que des os calcinés.

François Rouzaud avait mené une équipe de chercheurs en 1995 dans cette grotte et avait estimé, à l’aide de la datation au carbone 14, que l’un des os brûlés devait avoir au moins 47 000 ans. A son décès, les recherches ont été mises en stand by, mais l’idée que l’homme de Néandertal aurait pu être l’auteur de ces structures avait été émise.

Des structures d’origine incontestables

En 2013, une nouvelle équipe a été formée par Sophie Verheyden, spéléologue belge de l’Institut royal des Sciences Naturelles qui a eu pour objectif de cartographier la grotte en 3D. Puis grâce à la datation par la méthode uranium-thorium, l’équipe a pu estimer que les stalagmites remontaient à environ 176 500 ans !

Quel ne fut pas la surprise pour les scientifiques. Pour en être certains, ils ont refait les calculs et aucun doute possible. D’ailleurs, après vérification, ces structures ne sont pas d’origine naturelle et ne résultent pas de la circulation des ours dans la grotte. L’une de ces structures, de forme circulaire, est large de 6,7 mètres et se compose de plusieurs couches de stalagmites superposées et ressemble à un muret haut de 30 centimètres. Les hommes qui ont agencé les stalagmites "ont déplacé 2,3 tonnes de matériel, cela ne peut être qu’un travail collectif " souligne Jacques Jaubert, professeur de préhistoire à l’Université de Bordeaux.

Une étude qui fait bouger les lignes concernant Néandertal

Au vu de l’âge très ancien de ces structures, il ne fait aucun doute qu’il ne s’agit pas de l’œuvre de l’homme moderne qui n’était pas encore arrivé en Europe à cette époque. Pour l’archéologue Marie Soressi de l’université de Leinden : "il n’y a probablement que l’homme de Néandertal qui puisse en être l’auteur car il n’y avait pas de groupe humain à cette époque en Europe" avance t-elle. De plus, les traces de feu retrouvées au sol montrent que Néandertal faisait du feu en brûlant des os pour s’éclairer.

L’Homme de Néandertal qui a vécu entre -250 000 ans et -40 000 ans a donc su aller sous terre et s’éclairer dans un milieu hostile. Cette étude fait bouger les lignes concernant cet ancêtre et ces preuves montrent que Néandertal n’était pas la brute que l’on imaginait et qui passait son temps à chasser ou à tailler des silex. La question qui est un mystère pour l’instant concerne le but de ces structures. Sont-elles liées à un culte ou à des rites ? Pour cela, il faut  être relativement prudent. L’équipe va demander l’autorisation pour faire de nouveaux prélèvements dans la grotte de Bruniquel qui est privée et gérée par une société de spéléologie et qui est actuellement en cours de classement par le ministère de la Culture.