Ce seinen oublié révèle les côtés sombres de la société japonaise
Longtemps éclipsé par des œuvres plus populaires, Ushijima, l’usurier de l’ombre est un manga seinen d'un réalisme exceptionnel. Il plonge le lecteur dans la misère sociale japonaise. Dure et sans concession, cette oeuvre dépeint les marges d’un Japon moderne que beaucoup préfèrent ignorer.
Un personnage principal exceptionnel
Créé en 2004 par Shohei Manabe, Yamikin Ushijima-kun (titre original) compte 46 tomes et s’est terminé en 2019. En France, il est connu sous le titre Ushijima, l’usurier de l’ombre. Malgré une longévité impressionnante, ce manga reste largement méconnu du grand public, éclipsé par des succès plus vendeurs comme Tokyo Revengers ou Death Note.
Le personnage principal, Kaoru Ushijima, est un usurier clandestin. Il dirige Cow Cow Finance, une société qui prête de l’argent à des taux exorbitants à des individus désespérés. Sa règle est simple : "Tu empruntes, tu rembourses", peu importe la situation du client.
Ushijima n’est donc ni héros ni monstre. Il applique tout simplement une logique froide et implacable. Il n'est pas là pour juger ni pour aider. Son rôle c'est d'observer, d'encaisse ou de sanctionner. Son humanité subsiste, mais enfouie, presque inaccessible.
Un sombre miroir de la réalité sociale japonaise
À travers ses clients, le manga explore une galerie de portraits terriblement réalistes : étudiants ruinés, employés licenciés, femmes poussées à la prostitution, hommes dépendants aux jeux ou aux paris sportifs...
Là où beaucoup de mangas offrent une échappatoire, Ushijima ramène brutalement son lecteur à la triste réalité : les dettes, les contrats, les humiliations...
Au fond, cette oeuvre expose sans détour les failles du Japon moderne :
- la précarité des jeunes diplômés,
- l’isolement social,
- l’obsession de la réussite,
- les dérives de la société de consommation,
- l’absence de filet social pour les plus fragiles.
Visuellement, Ushijima n’est pas du tout attrayant. Le dessin est froid, fonctionnel et sans exagération. On n'y retrouve pas de poses héroïques, pas de grands effets... Au contraire, l’esthétique suit la ligne du récit : crue et directe. Bizarrement, c’est justement cette sobriété qui frappe et rend le manga plus crédible.
Mais pourquoi ce manga est resté dans l’ombre ?
Malgré ses qualités narratives et sa pertinence sociale, Ushijima est rarement cité parmi les grands seinen. Plusieurs raisons peuvent expliquer cela : tout d'abord, il n’a pas eu d’adaptation animée, malgré des adaptations en films et en séries ; il faut aussi souligner que le sujet est jugé trop sombre ou trop réaliste pour le lectorat classique, ce que n'arrange en rien l'absence de héros charismatique et d'univers stylisé. Enfin, son ton glaçant et désespéré rebute ceux qui chercheraient de l’émotion ou de l’évasion.
"[... ]DISTINCTIONS :
En 2008, le manga est nommé au Prix culturel Osamu Tezuka, catégorie Grand prix.
En 2011, le manga est récompensé par le prix Shōgakukan dans la catégorie générale, à égalité avec Space Brothers de Chūya Koyama[5].
[...]"
c'est donc une référence puisqu'il a été primé.