Les Egyptiens avaient Râ, les Grecs Zeus, et aujourd’hui les Américains ont Superman. Si cette idée peut sembler très raccourcie, elle est pourtant très populaire parmi les fans de comics : les super-héros composent leur propre mythologie. Ils en ont, du moins, les principales caractéristiques et leur influence sur la société n’est plus à prouver. Néanmoins, pour réellement comprendre le débat, nous avons demandé à deux spécialistes si, oui ou non, les super-héros doivent être considérés comme une véritable mythologie contemporaine.
Jean-Philippe Zanco, auteur de "La société des super-héros"
Stan Lee a parfois été qualifié d'Homère des temps modernes : ça, c'est exagéré. Mais la dimension mythologique des super-héros est évidente. D'abord, il y a une filiation entre les héros antiques et les super-héros, au point que certains super-héros sont des recyclages de héros et de demi-dieux (Thor ou Hercule). Ensuite, le procédé narratif propre aux super-héros, déclinant à l'infini des aventures sans que le héros vieillisse, s'apparente à un récit mythologique. On retrouve dans le schéma narratif super-héroïque bien des éléments du "cycle du héros" décrit par le mythologue Joseph Campbell.
Ce qui fait la particularité du mythe super-héroïque, ce n'est pas qu'il est américain, c'est qu'il est dépourvu de dimension religieuse (même si les métaphores religieuses sont nombreuses), il est déconnecté de toute croyance ou de tout rite (contrairement au mythe antique). En ce sens là, il est un mythe "désenchanté", pour reprendre le sociologue Max Weber, un mythe moderne.
Pour découvrir l'ouvrage, c'est par ici.
Michel Ferragatti, auteur de "L’histoire des super-héros"
Je pense qu’en utilisant la théorie du monomythe de Joseph Campbell, nous pouvons dire que le genre des super-héros peut se comparer à une mythologie. Cette théorie a été très développée au travers de nombreux ouvrages dont ceux d’Alex Nikolavitch. Les références encore une fois aux textes bibliques et judaïques ne sont plus à démontrer quant à l’origine de plusieurs personnages primordiaux des comics. Enfin, ce n’est pas pour rien si le sous-titre de l’ouvrage de Paul Levitz chez Taschen est "The Art of Modern Mythmaking".
Concernant la théorie de Max Weber, il faut bien voir que les personnages de super-héros sont en effet majoritairement issus d’un monde désenchanté dans le sens ou l’explication de leur pouvoir est majoritairement scientifique (si nous excluons la sous-catégorie des personnages "mystiques"). Cela dès l’origine avec le tropisme de passionnés de Science-Fiction de beaucoup d’auteurs, mais tout simplement de l’époque de leur création qui faisait rentrer l’humanité dans l’ère de la science moderne.
Cela est d’autant plus vrai pour le silver age ou la plupart des personnages doivent leurs pouvoirs à une origine scientifique mythifiée. Concernant la "temporalité" dans le concept de Weber, ce n’est pas pour rien si les spécialistes de comics divisent leur histoire en âge, d’or, d’argent etc.
Il est évident que les lecteurs de comics peuvent connaitre un certains désenchantement du fait de l’évolution des comics d’un âge d’or idyllique à un présent bien plus nuancé. Certains y verront cependant une évolution naturelle des comics vers une plus grande maturité une plus grande proximité avec le monde réel.
Quant à la problématique de croyance, je pense que la croyance en le merveilleux a été remplacée par les fans les plus intégristes en une religion d’aspects particuliers des comics comme la continuité.
Par jeanLucasec, il y a 7 ans :
Ca ferait un bon sujet de bac philo
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