Dans notre précédent dossier, nous avons tenté d’étudier les raisons qui font qu’adapter une bande-dessinée franco-belge au cinéma est un exercice risqué. Néanmoins, il est temps de rendre à César ce qui lui appartient : ne pas apprécier ces adaptations, ou les apprécier de manière relative, ne signifie aucunement que nous n’apprécions pas la bande-dessinée franco-belge, bien au contraire. Pour rendre hommage à cette bande-dessinée qui a enchanté de nombreuses générations de lecteurs, nous vous dressons un petit top des plus grands génies du genre !
André Franquin
Sans aucun doute l’auteur le plus doué de toute la sélection, le plus ovationné. Et on comprend pourquoi, quand on jette un regard rapide sur son œuvre. Ce scénariste belge, élève de Jijé, est vite devenu le principal atout du journal de Spirou, pour qui il a révolutionné Les Aventures de Spirou et Fantasio, le temps de 19 volumes, avec des créations aussi extraordinaires que le Marsupilami, la Turbo-Traction, Zorglub, Champignac et son comte-savant-presque-fou, ou encore le Docteur Kilikil. On ne compte pas les tomes mémorables signés de sa main, dont La Mauvaise Tête ou QRN sur Bretzelburg. Responsable également de toutes les animations du journal Spirou, il a créé le personnage Gaston, anti-héros indémodable, dont les gags ont fait rire des millions de lecteurs depuis sa création. Là encore, Franquin nous éblouit avec toutes ses inventions, dont la sadique Mouette Rieuse, Jules-De-Chez-Smith-En-Face ou encore l’Homme aux contrats, Monsieur de Maesmaker. Génie du dessin reconnu par ses pairs, il est également capable de maîtriser tous les types d’humour. On lui doit par ailleurs Le Trombone illustré, un supplément clandestin du Journal de Spirou, dont la qualité surpassait même toutes les bandes-dessinées publiées dans le journal principal. C’est dans ce supplément que sont parues les premières Idées Noires, chef d’œuvre d’humour noir publié ensuite chez Fluide Glacial. On vous conseille également les gags de Modeste et Pompon, publiés dans le Journal de Tintin.
René Goscinny
René Goscinny se disait "humoriste". C’est sans doute le qualificatif qui lui correspondait le mieux. Car, si on devait reconnaitre une qualité principale parmi toutes les autres à René Goscinny, ce serait sa faculté à nous faire rire aux éclats. Comment ne pas pleurer de rire en lisant Astérix : Le Combat des chefs, dans lequel Alexandre Astier a puisé de nombreux gags pour Kaamelott ? Comment ne pas rire en lisant Le Petit Nicolas (la BD et les romans, illustrés par le bordelais Sempé) ? Ou encore ses Dingodossiers, avec Gotlib ? Oui, Goscinny fait rire. Et ça fait du bien. Que ce soit sur des gags d’une page (comme Les Dingodossiers) ou sur plusieurs, comme Iznogoud (avec Tabary au dessin), Goscinny donne raison à Victor Hugo, quand ce magnifique auteur écrivait, dans L’Homme qui rit : "Faire rire, c’est faire oublier. Quel bienfaiteur sur Terre qu’un distributeur d’oubli !" On comprend désormais pourquoi Goscinny a vendu autant de livres dans le monde, et pourquoi Desproges l’admirait autant. Néanmoins, on peut se demander si la grande œuvre de ce génie inimitable n’était pas finalement la création de la revue Pilote, qui a su révéler de nombreux grands auteurs, dont Moebius, Bilal, Cabu ou encore Reiser. Merci l’artiste !
Marcel Gotlib
Fils spirituel de Goscinny, pour qui il a illustré Les Dingodossiers, Gotlib a fait montre, pendant toute sa carrière, de son habilité à mêler son sens inné du rire et son érudition. Dès ses débuts dans Pif, avec la série Gai-Luron, il a su montrer ses inspirations, dont Tex Avery. On regrettera longtemps l’auteur de la Rubrique-à-brac, son chef d’œuvre absolu, suite des Dingodossiers, mais sans Goscinny, avec ses personnages récurrents, dont Isaac Newton et la Coccinelle, qui a fini par devenir sa signature. Créateur des journaux L’écho des savanes, avec Mandryka (le papa du Concombre masqué) et Claire Bretéher (Agrippine), et de Fluide Glacial, en solo, sa carrière est (à mon goût) devenue moins remarquable, quand son dessin est entré dans sa phase scatophile/pornographique. Cela ne l’a pas empêché de nous offrir d’autres chefs d’œuvres, tels que Pervers pépère.
Peyo
Ce proche de Franquin et de Morris (Lucky Luke) est connu internationalement. Il faut dire que sa création, Les Schtroumpfs, est une BD adulée par tous les enfants. Et par beaucoup d’adultes nostalgiques. Il est vrai que cette BD est finalement assez éloignée des mièvreries enfantines qu’on lui prête parfois. A la fois drôle et bien construite, elle peut également se montrer volontairement politique, comme dans Le Schtroumpfissime. Ce que l’on sait moins, par contre, c’est que Les Schtroumpfs sont d’abord apparus dans une bande-dessinée de Peyo, Johan et Pirlouit, une bande-dessinée de Fantasy à mettre entre toutes les mains, et qui a fait la gloire du Journal de Spirou.
Hergé
Eh oui, le créateur de Tintin fait partie de notre sélection, bien qu’il soit de notoriété commune qu’il ait écrit quelques pages profondément racistes. Cela ne l’empêche pas d’avoir révolutionné le genre, avec son jeune reporter, nous faisant voyager à travers le monde, grâce à des récits efficaces, lorgnant à la fois vers le roman noir et la science-fiction. Principal inventeur de la ligne claire, celui qui fut le héros de l’école de Bruxelles (concurrente de l’école de Marcinelle, dont Franquin était le plus fervent représentant), reste aujourd’hui adulé partout dans le monde, dont le rayonnement ne se tarit pas. N’oublions pas qu’il a inspiré Edgar P. Jacobs, le créateur de Blake et Mortimer.
Jean Van Hamme
On quitte maintenant la bande-dessinée pour enfants, avec Jean Van Hamme, scénariste belge particulièrement doué pour les histoires de genre, à la fois belles et complexes. Si on lui doit les BD Largo Winch et XIII, qui compte parmi ses plus grands succès, ses deux plus gros chefs d’œuvre demeurent ceux co-créés avec son compère Grzegorz Rosinski : la série Thorgal et la mini-série Le Grand Pouvoir du Chninkel, qui faisaient partie de notre sélection des 20 meilleures bandes-dessinées franco-belges de Fantasy. A lire absolument !
Enki Bilal
Ce rescapé de l’époque Pilote est un dessinateur hors-pair, doublé d’un scénariste visionnaire. Si nous apprécions énormément ses travaux avec le père de Valérian, Pierre Christin, Fins de siècle et Légendes d’aujourd’hui, on a été profondément époustouflé par son chef d’œuvre, La Trilogie Nikopol, qui a fait de lui le George Orwell français. A noter que La Tétralogie du Monstre et la Trilogie du Coup de sang valent également le coup d’œil. Sa dernière bande-dessinée en date, Bug, est un nouveau bijou d’anticipation. Un auteur à découvrir d’urgence !
Alexandro Jodorowsky
Ce scénariste franco-chilien est peut-être un peu fou. Un fou qui sait s’illustrer dans divers domaines, dont le théâtre (on lui doit quand même le théâtre panique !), le cinéma (ce réalisateur culte est l’auteur de El Topo, de La Montagne Sacrée et de La Danza de la Realidad), la magie et la bande-dessinée. Parmi ses chefs d’œuvre dans le Neuvième Art, on compte les séries de SF L’Incal (chef d’œuvre du genre, dessinée par le grand Moebius) et La Caste des Méta-Barons. Violence et poésie psychédélique servant un space-opera complexe et métaphysique. Prodigieux ! Il s’est récemment distingué avec la suite de son film El Topo, la bande-dessinée Les Fils d’El Topo, et l’uchronie Les Chevaliers d’Héliopolis. On adore !
Par jeanLucasec, il y a 6 ans :
Que des génies !
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