Focus sur Haruki Murakami : Flipper, La Fin des temps... (partie 1)
Depuis des années, Murakami est le grand favori des bookmakers pour le Prix Nobel de Littérature, sans jamais l’obtenir. Grand sportif, collectionneur de vieux disques, extrêmement discret, l’univers de Murakami distille dans un quotidien décrit presque de manière phénoménologique des éléments fantastiques et surréalistes. Son oeuvre a été adaptée au cinéma, et a même inspiré un jeu vidéo (toujours en conception) : Memoranda. L’occasion pour moi d’écrire un "focus" sur mon écrivain préféré. Un écrivain qui devrait plaire à tous les geeks.
1- 1979 : Écoute le chant du vent
En 1979, Haruki Murakami a trente ans. Il dirige deux clubs de jazz, et il est à mille lieux de devenir l’écrivain qu’il est aujourd’hui. Pourtant, alors qu’il assistait à un match de base-ball, une vérité lui est apparue : il devait écrire un roman. Il revend ses clubs, et passe des mois et des mois attablé dans sa cuisine, écrivant en anglais et en japonais son premier roman, Écoute le chant du vent. Un court roman qui contient la quasi-totalité de ce que deviendra plus tard l’oeuvre de Murakami. On y fait la connaissance d’un étudiant anonyme, qui boit des bières au J.’s Bar, accompagné de son ami Le Rat. Ils discutent écoutent de la musique. Le quotidien y est décrit très précisément, avec beaucoup de poésie. Une méthode que Murakami emploie depuis. Si ce roman n’a pas la profondeur de Kafka sur le rivage ou de 1Q84, il n’en demeure pas moins qu’il s’agit d’un excellent roman. On est plus proche de Philip Roth que de Kawabata Yasunari, c’est vrai. Avec ce roman, Murakami a gagné le Prix Gunzo. Bonne nouvelle : alors que l’auteur se refusait à éditer ses deux premiers romans à l’étranger, nous avons enfin la possibilité de les lire depuis le 14 janvier 2016.
Pour l’acheter : Écoute le chant du vent, suivi de Flipper, 1973 : 21,50 euros, chez Belfond.
2- 1980 : Flipper, 1973
Un an après avoir écrit un premier roman, Haruki Murakami écrit son deuxième roman "sur la table de sa cuisine". Un poil plus épais qu’Écoute le chant du vent, Flipper, 1973 nous fait retrouver le narrateur de la tétralogie du Rat. Partageant sa vie entre deux jumelles et le Rat, le narrateur construit sa boite. Plus poétique, un peu plus surréaliste que le précédent, Flipper, 1973 est un excellent roman, crucial pour tout ceux qui aiment les oeuvres de Haruki Murakami. Pourquoi est-il aussi important ? Parce que commence à se dessiner (et ce depuis le livre précédent) l’archétype du personnage murakamien : un tokyoïte seul, détaché du monde, en proie à des réflexions métaphysiques. Commence également à se dessiner un parallélisme entre les personnages, ici le narrateur et Le Rat, prémices du système de double-narration de romans à venir, La Fin des temps, Kafka sur le rivage, 1Q84.
Pour l’acheter : Écoute le chant du vent, suivi de Flipper, 1973 : 21,50, chez Belfond.
3- 1982 : La Course au mouton sauvage
Troisième tome de la Tétralogie du Rat, La Course au mouton sauvage est le premier grand roman de Murakami Haruki. Le jeune narrateur, anonyme comme dans de nombreux romans de Murakami, a une vie bien ennuyante. Entre sa femme qui fout le camp avec un de ses amis (à lui), son travail de publicitaire qui ne le passionne absolument pas, son associé alcoolique, et ses dizaines de cigarettes fumées par jour, il a vite fait le tour ! Sa seule façon de passer du bon temps réside à être avec sa nouvelle petite amie aux belles oreilles. Un jour, cette dernière a une vision : un homme en noir lui parlera d'un mouton. Et cette vision se réalise. L'Homme en Noir, secrétaire au QI exceptionnel d'un homme tapi dans l'ombre et qui dirige le Japon par le biais d'une puissante organisation d'extrême droite (il se fait d'ailleurs appeler le Maître), prend contact avec notre protagoniste qui, disons-le, n'a rien d'un héros. Il lui parle du passé du Maître, et les raisons (extravagantes) de son succès. Le Maître, en effet, a été l'habitacle de l'esprit du mouton, un esprit puissant aux desseins pas bien définis. Hors, le Maître est dans le coma. Et l'Homme en Noir veut entrer en contact avec le Mouton, afin de recevoir de nouvelles directives et, qui sait, devenir le Maître du Japon. Pourquoi faire appel à lui ? A cet homme si commun ? Uniquement parce que dans le cadre de son travail, il a utilisé une photo, envoyée par un de ses amis disparu dans la nature, qui représentait de verts pâturages où broutent un troupeau de moutons, dont un est l'esprit du Mouton (il est très reconnaissable, avec son étoile sur le dos). Notre protagoniste n'a pas le choix : il doit partir à la recherche du Mouton, et le trouver d'ici un mois. Avant que le Maître ne meurt. Aidé de sa petite amie aux belles oreilles, il ira donc jusqu'en Hokkaïdo, où il rencontrera le Docteur ès Moutons, l'Homme-Mouton et bien d'autres choses encore.
Comme Salman Rushdie et ses Enfants de Minuit, Murakami est l’un des grands auteurs du réalisme magique. Avec cette quête de mouton, Murakami parle en vérité de lui-même. Trente ans, c’est l’âge auquel il a quitté son métier de dirigeant de clubs pour devenir écrivain. On retrouve donc un point commun avec son narrateur : l’abandon d’un travail pour une quête quasi-irraisonnable. Peut-être pourrions nous voir dans cet esprit du Mouton l’image de la Littérature en tant qu’art, en tant qu’esprit ? Explication : Cet esprit "aux dessins pas bien définis", qui élit quelques habitacles fait étrangement penser à la vision de la littérature des romantiques allemands et français au XIXème siècle. Ça peut paraître abscons, voire inutile, et pourtant, c’est significatif d’une chose : Murakami est à la croisée entre la littérature japonaise et la littérature occidentale. Au final, La Course au mouton sauvage est un livre intelligent, et très poétique. Jugez plutôt avec ces deux extraits :
<< Lorsque je revois des amis de cette époque, il nous arrive incidemment de parler d'elle. Eux aussi ont oublié son nom. "Allez, tu te rappelles pas ?... Cette fille qui couchait avec tout le monde... Comment qu'elle s'appelait encore ? ça m'échappe complètement là... Même que j'ai couché avec elle moi aussi... Qu'est-ce qu'elle peut bien faire aujourd'hui... ça me ferait tout drôle de tomber sur elle par hasard dans la rue…" Il était une fois, quelque part, une fille qui couchait avec tout le monde… C'était là son nom. >> (page 10) << Le temps coulait dans cette demeure d'une manière aussi insolite que dans la pendule démodée du salon. Il suffisait qu'un quelconque caprice nous incitât à lui remonter ses contrepoids, et le temps coulait, tic-tac, en battant la mesure. Mais pour peu qu'on s'en allât et que les poids parvinssent au bout de leur course, le temps s'arrêtait là. Et des amas d'un temps immobile empilaient alors sur le plancher des couches de vie décolorée. >> (page 301)
Pour l’acheter : 7,70 euros, chez Points.
4- 1985 : La Fin des temps
Vous qui ne connaissez pas encore ce livre et qui, peut être, le lirez un jour, je vous envie. Car dès l'instant où vous poserez les yeux sur une de ces pages, vous serez littéralement happé dans un monde dans lequel vous allez aimer vous perdre, aussi douloureux, de par sa nature et ses conséquences, soit cette ballade que le plus grand auteur de tous les temps (passé, présent, futur) vous propose. La Fin des temps est le quatrième livre de Murakami… Sa quatrième ballade. Et pas des moindres. Car chaque livre de Murakami est une rencontre amoureuse : j'aime être transporté dans des mondes où la poésie est omniprésente et fait violence à mon coeur. J'aime ces voyages dans ces mondes qui s'avèrent en fait être ceux cachés au plus profond de notre être. Je ne saurai vous décrire avec des mots toutes les émotions qui me traversent - quoique le verbe transpercer serait plus adéquat - quand je relis ce livre de Haruki Murakami.
Publié en 1985 au Japon (et en 1992 en France), ce roman de 629 pages nous raconte deux histoires qui, à la manière de W ou le souvenir d'enfance de Georges Perec, publié dix ans auparavant, sont simplement alternées, inextricablement enchevêtrées. Le narrateur de la première, intitulée "Pays des Merveilles sans merci", est un jeune informaticien programmeur de 35 ans, divorcé et anonyme, qui se retrouve pris dans une guerre informatique. En effet, après avoir accepté un travail pour un vieux savant quelque peu excentrique qui dit travailler sur le son du corps, et plus particulièrement des os du crâne, il se retrouve coincé dans une situation délicate (ce n'est là qu'un euphémisme presque mensonger tellement il est léger et doux, visant à ne pas vous spolier le livre), qui l'emmènera dans une course contre la montre dans les sous-sols de Tokyo, où s'étend le sombre territoire des Ténébrides. Le protagoniste et narrateur de la deuxième histoire, sobrement intitulée "Fin du monde", est un jeune homme anonyme, lui aussi (d'ailleurs, tous les personnages le sont), vient d'arriver dans une ville parfaite, où vivent des licornes. Mais, dès son entrée dans cette ville, il se retrouve séparé de son ombre et apprend que son coeur va commencer à disparaître. Devenu un "habitant" de la ville, il se voit confiée la tâche de "Liseur de vieux rêves". Afin de rester lui-même, le narrateur devra découvrir le sens caché de cette ville, et s'enfuir avec son ombre. Mais comment faire pour sortir d'une ville entourée de murailles et qui n'a pour sortie qu'une porte de fer surveillée par un géant ?
La Fin des temps est l'un des livres les plus énigmatiques de l'écrivain nippon le plus doué de sa génération. En dépit du décors de SF et de Fantasy, on est bien dans un monde purement et simplement murakamien : nul autre auteur pourrait écrire un roman si complet ni si beau. Comme dans tous les Murakami, on est scotché par la beauté de ce livre. Mais aussi par cette description presque phénoménologique du quotidien, qui a pour conséquence qu'on se reconnaît parfaitement dans TOUS les personnages. Le système de la double narration, qui sera d'ailleurs réemployée dans Kafka sur rivage et 1Q84, ajoute à ce chef d'oeuvre un intérêt supplémentaire : on cherche le lien entre les deux histoires, jusqu'à ce qu'on le découvre, entre deux virgules.
Pour l’acheter : 8,80 euros, chez Points.
5- 1987 : La Ballade de l’impossible
Dans La Ballade de l’impossible (le titre anglais, Norwegian Wood, est plus fidèle au titre japonais), Watanabe, trentenaire, écoute, dans un avion une musique des Beatles. Et c'est cette musique qui, dotée du même pouvoir que la Madeleine de Proust, l'emmènera au creux de ses souvenirs les plus enfuis. Il revoit sa frêle jeunesse. Hanté par le suicide de son meilleur ami, Kizuki, il fréquente la petite amie de ce dernier, appelée Naoko, lors de longues ballades aux paroles empruntes de mélancolie et entrecoupées de silence profonds et éloquents. Il en est follement amoureux, et elle l'aime à sa façon bien spéciale d'aimer, c'est à dire sans lumière. Après leurs premiers ébats, Naoko, troublée au delà des mots, s'exile dans un hôpital un peu spécial, où les patients se soignent par le dialogue. Elle y fait la connaissance de Reiko, jeune trentenaire musicienne marquée par la vie aussi profondément qu'elle, elle tente tout pour se soigner. De son côté, Watanabe, continue les cours à la fac, parlant qu'à très peu de personnes : Midori, une jeune fille qui court vers la vie à bras ouverts, et Nagasawa, étudiant très intelligent, mais ayant une manière de penser bien à lui. Leurs destins mêlés forment l'intrigue de cette oeuvre pleine de tendresse mélancolique et poétique.
Cette oeuvre, aux contours érotiques, est indiscutablement un puits d'humanité sans borne. Si le tourisme sexuel côtoie la violence de l'adolescence, cette oeuvre ne peut être comparée à celle de Bret Easton Ellis et autres auteurs américains des années 90, chez qui le sexe doit être abordée de façon crue et violente. La Ballade de l’impossible est l’oeuvre qui a révélé Murakami au monde entier. Ce chef d’oeuvre est un concentré de poésie, de mélancolie, dans laquelle tout homme se reconnait nécessairement. Beaucoup on dit, à propos de La Ballade de l’impossible, qu’il s’agissait du roman le plus réaliste de Murakami. Pourtant, il distille par-ci par-là des éléments surréalistes, comme cette étrange maison de repos dans la Montagne. Lorsqu’on quitte le roman, on a l’impression de dire au revoir à des amis chers, parfois même à une part de nous-mêmes. Alors, pour nous retrouver, on réécoute, en boucle, Norwegian Wood, Michelle et Nowhere Man des Beatles. Ce roman a été adapté au cinéma par le réalisateur vietnamien Trần Anh Hùn. Attention, préparez vos mouchoirs ! Voici une citation : "Je me demande s’il n’y a pas à l’intérieur de mon corps un endroit sombre, une contrée lointaine où mes souvenirs les plus importants s’entassent pour donner de la vase."
Pour l’acheter : 8,40 euros, chez 10/18.
6- 1988 : Danse, Danse, Danse
Sixième livre de Murakami, et dernier livre de la tétralogie du Rat, Danse, danse, danse est la suite de La Course au mouton sauvage. On retrouve donc dans ce livre de 630 pages le narrateur anonyme et l'Homme-Mouton. Après avoir entendu en rêve Kiki pleurer dans l'Hôtel du Dauphin (sa petite amie aux belles oreilles), le narrateur (plus déprimé que jamais) retourne à Sapporo pour la retrouver. Mais à sa grande surprise, l'hôtel miteux qu'il avait jadis connu s'est transformé en gigantesque et luxueux palace. Déconnecté de la réalité et du monde, il erre donc sans but dans les rues. Jusqu'au jour où l'Homme-Mouton lui donne ce conseil : "Danse, danse, danse tant que la musique durera." Il fera la connaissance de Yuki, une jeune fille de 13 ans aussi abandonnée que la Zazie de Queneau, et retrouvera un ancien camarade, Gotanda, acteur désabusé.
Pardonnez ce résumé très bref et imparfait (quel euphémisme !), mais il m'est impossible de le résumer correctement : la frontière très ténue entre la réalité et le monde du rêve n'en est pas la seule raison ; je me suis impliqué bien plus que vous puissiez l'imaginer dans ce livre, si bien que comme dans ses autres romans, une fois le livre fermé, j'ai l'impression d'en être captif. Comme d'habitude, cette lecture s'est greffée à mes gênes, ne faisant qu'un avec mon esprit. Encore une fois, ce fut une expérience exceptionnelle. Danse, danse, danse est une réflexion sur la vie, mais aussi (et surtout) sur les liens qui unissent les humains. Passionnant, sublimissime, bouleversant, c'est un livre que je vous conseille, ou plutôt que je vous prescris comme un docteur qui prendrait soin de son patient.
Pour l’acheter : 8,70 euros, chez Points.
7- 1992 : Au Sud de la Frontière, à l’Ouest du Soleil
Ce roman magnifique et déroutant raconte l’histoire de Hajime, douze ans, enfant unique. Il n'a qu'une seule amie : Shimamoto-San, enfant unique également et handicapée d'une jambe qu'elle traine difficilement. Leur occupation principale : écouter du classique, du jazz et du rock, lire, parler. Se promener. Et taire un amour réciproque mais insoupçonné. Quand Hajime quitte sa bourgade natale, il "abandonnera" son amie au profit d'une nouvelle vie. D'enfant chétif il deviendra plus musclé ; d'enfant, il passera à jeune adulte en construction. Il aura même une petite amie, Izumi, qu'il fera souffrir et abandonnera pour continuer sa route. Vingt ans plus tard, Hakime est marié avec une femme resplendissante qu'il aime du fond du coeur et avec qui il a deux filles qu'il aime profondément. Propriétaire de deux clubs de jazz très à la mode, il a réussi sa vie. Mais... Son petit train-train sera bouleversé quand son amour d'enfance, Shimamoto-san, refera surface dans sa vie. Et c'est avec cet amour ressuscité que son bonheur sera remis en question et son futur de plus en plus incertain.
D'emblée, ce roman marque par sa poésie, propre à Murakami. Haruki Murakami ne se contente pas d'écrire une simple histoire composée de mots et de phrases jetées sur du papier. Quand le prodige japonais se met à l'écriture, c'est tout une vie qu'il crée, tout un monde à qui il donne vie. Le mystère et les émotions se muent en un roman qui frôle la perfection. Comme dans tous les romans de Murakami, la musique y a une place importante. À chaque livre, sa musique. Dans Écoute le chant du vent, le personnage principal écoute à de nombreuses reprises California Girls des Beach Boys, dans La fin du temps, le personnage écoute (à un moment particulièrement émouvant du roman) Hard Rain de Bob Dylan. Norwegian Wood tourne autour de la chanson éponyme des Beatles. Au Sud de la Fontière, à l’ouest du Soleil rend hommage dans son titre même à South of the Border de Frank Sinatra.
Pour l’acheter : 7,50 euros, chez 10/18.
8- 1995 : Chroniques de l’oiseau à ressort
Je vous préviens de suite, ma "critique" sera imparfaite et incomplète. Parce que ce livre fait partie de ceux qui créent une interaction entre les idées de l'auteur et les sentiments humains. Il vous faudrait donc, pour bien comprendre les enjeux de ce livre, le lire et être, vous aussi, foudroyé par sa beauté et par ce courant émotionnel, courant aussi puissant que des électrochocs. Mais commençons par (tenter de) résumer ce roman de 821 pages : Toru Okada vit dans une banlieue Tokyo, dans une petite maison toute simple, avec un petit jardin tout simple, dans un quartier en apparence tout simple. Peu après sa démission, (il travaillait dans un cabinet juridique) son chat disparaît, suivi de près par sa femme. La vie de ce jeune homme de 30 ans devient alors à la fois somnambule, hallucinée et fantasmatique. Autour de lui, gravitent des personnages tous porteurs d'une nouvelle énigme qui l'aiderait (peut être ?) à retrouver sa femme : May Kasahara, une jeune fille de seize ans, voisine de Toru, qui pour tromper son ennui s'est créée une philosophie (et un mode) de vie tout à fait étonnante ; Malta Kano et sa soeur, Creta Kano, deux voyantes qui travaillent sur la conscience et le subconscient ; le lieutenant Mamiya, un ancien militaire qui a été témoin d'atrocités en Mongolie et qui, après un séjour assez long dans un puits, s'est vu prendre toute envie de vivre par une étrange lumière. Muscade et Canelle, une mère maquerelle et son fils magnifique, parfait et muet, qui soignent les gens avec un traitement quelque peu spécial. Sans oublier Noboru Wataya, le beau frère de Toru, un personnage énigmatique, ambitieux et acerbe, et qui semble avoir une étrange relation avec ceux qui l'entourent. Tout ce beau monde gravite donc autour de Toru Okada et plus particulièrement autour d'une maison voisine, abandonnée, appelée "La Maison des Pendus", et de son puits à sec. L'oiseau à ressort (un étrange oiseau que personne ne voit et que peu de gens peuvent entendre) devient, par son étrange cri qui ressemble à un ressort qu'on remonte, le seul facteur temporel de ce monde étrange. Il en remonte la pendule. Mais il semble aussi être une cause des problèmes des personnages : car ceux qui entendent son cri (Toru en fait partie) ont bien souvent un destin funèbre.
Ce livre est un roman sur la solitude. Mais aussi sur la reconstruction de soi (et bien sûr sur l'Amour). Car, après le départ de Kumiko, Toru Okada doit se reconstruire. Il doit trouver un sens à sa vie. Je crois qu'il est temps pour moi de vous donner mon avis sur ce livre : je vous présente mon livre préféré...
Ce livre fut pour moi une véritable expérience humaine, la plus grande jamais trouvée en littérature. J'ai retrouvé dans ce livre tout ce que j'aime dans Murakami : ses intrigues à la frontière du rêve et de la réalité, ses mystères inexpliqués, ses personnages si humains, si réalistes, sa minutieuse description du quotidien, sa poésie mélancolique parfois mêlée d'une cruauté sans pareille. Mais, en plus, dans ce roman, je m'y suis retrouvé entièrement. Chacun des personnages de ce livre est une part de moi, et peut-être de vous. C'est assez étrange à expliquer, très dur d'ailleurs, aussi ne vais-je pas approfondir la chose. Cependant, ce livre fut un véritable choc émotionnel ! J'ai beaucoup aimé une phrase écrite par un critique, à propos des livres de Murakami : "Les livres de Murakami ont la précision des rêves." C'est d'autant plus vrai dans celui-ci : comme dans 1Q84 et dans Kafka sur le rivage, Toru Okada est projeté dans un monde qu'il ne comprend pas, mais dans lequel il doit agir, pour retourner dans le sien. Ce monde là est une chambre d'hôtel, la 208, où évoluent d'autres personnages, peut être les reflets de ceux qui l'entourent. Toru Okada est, par essence, l'archétype même du protagoniste murakamien : il est solitaire et mélancolique, et n'est absolument pas le héros du roman. Autour de lui gravitent des personnages qu'il doit apprendre à connaître et à comprendre, afin de se comprendre lui-même.
Pour Murakami, tout est dans tout. Du coup, pour qu'un individu puisse connaître ce qu'il est réellement, il doit apprendre à connaître l'Autre. On retrouve d'ailleurs dans ce roman un des protagonistes de 1Q84, l’un de ses grands succès futurs : Ushikawa. Je terminerai cette critique par une citation, qui est un bel exemple de la poésie de l'auteur japonais :
"Mes larmes tombaient bruyamment par terre, aussitôt absorbée par les flaques de lune. Sous les rayons laiteux, je les voyais briller, comme de magnifiques cristaux. Tout d'un coup, je me suis rendue compte que mon ombre pleurait aussi : l'ombre de mes larmes se découpait nettement sur le mur. Oiseau-à-ressort, as-tu déjà regardé l'ombre de tes larmes ? Ce n'est pas une ombre ordinaire, ça n'a rien à voir. C'est une ombre venue exprès pour nos coeurs d'un autre monde lointain. En les voyant, je me suis demandé si, en réalité, ce n'était pas mon ombre qui pleurait de vraies larmes, dont les miennes seraient le pâle reflet. Tu vois, je ne crois pas que tu puisses comprendre, Oiseau-à-ressort. Tout peut arriver quand une fille de dix-sept ans, nue sous la lune, pleure toutes les larmes de son corps." (page 810)
L'article, et des livres aussi, beaucoup beaucoup de livres.
Le meilleur remède pour ta maladie.
ATT33ND J34N K3V1N ESSAYONS DAVOIR UNE KONVERSATTION
LE LIVR APORT UN CHOS MERVEILEUSE K2 CON L3S LIVRE
~spoil
Et... je n'ai pas aimé la fin :( (vive les happy end)
Et... c'est tout
Allez, salut !