Focus sur Mark Millar, l'auteur qui se cache derrière Civil War, Kick-Ass et Kingsman
Alors que Captain America : Civil War sort cette semaine dans nos salles obscures, il est essentiel pour nous de nous pencher sur l’oeuvre de l’IMMENSE Mark Millar, le génie derrière ce comics qui a bouleversé l’Univers Marvel ! Je ne suis pas un grand spécialiste de l’oeuvre de Mark Millar, aussi vais-je seulement vous parler des oeuvres que j’ai lues.
2003 : Superman : Red Son (avec Dave Johnson, Kilian Plunkett)
Mark Millar a commencé sa carrière de comics chez DC pour un run sur Swamp Thing. Le scénariste écossais, fan absolu de l’oeuvre d’Alan Moore et de Frank Miller, qu’il considère comme ses héros, les a très tôt rattrapés, devenant avec eux l’un des plus grands scénaristes de l’histoire du comic-book. Superman : Red Son me semble être un parfait exemple du génie de Millar. Le concept est simple : imaginons un instant que Kal-El soit arrivé sur Terre avec 12 heures d’avance. Eh bien il se serait crashé en pleine U.R.S.S. Et ce surhomme serait devenu le symbole de la puissance soviétique sous Staline, avant de devenir le chef suprême de l’U.R.S.S. Dans un monde subjugué par la puissance et l’idéal de paix de Superman, seuls Lex Luthor, Président des États-Unis et Batman (terroriste soviétique), chercheront à mettre fin au règne de ce Dieu… Mark Millar livre ici un comic-book dont l’action se place en pleine Guerre Froide. Plus qu’un hommage aux comics de l’Âge d’Argent, il me semble que Red Son est avant tout un hommage aux titres Watchmen et Dark Knight Returns de Moore et Miller, deux comics politiques, dont l’action se passe pendant la Guerre Froide. D’autant que nous avons avec Red Son une uchronie avec un personnage surhumain (comme le Dr. Manhattan de l’uchronie de Moore) et une confrontation au sommet entre un Batman enragé et un Superman divinisé. Plus important encore, Red Son semble poser la question suivante : depuis The Dark Knight Returns et Watchmen, les comics ne sont-ils pas devenus inexorablement politiques ? On pourrait discuter des heures, écrire des centaines de pages, et rétorquer le fait que depuis ses débuts, les super-héros sont utilisés à des fins de politique (entendez « propagande »). Cependant, depuis Moore et Miller, on se rend compte que l’idée même de super-héros et/ou de justicier équivaut à un parti-pris politique. Que notre héros soit ou non aux mains d’un gouvernement, il y a un message politique qui en découle, et qui devient inhérent aux qualités de ce super-héros. Mark Millar l’a compris ! Donc je ne saurais mieux vous conseiller qu’en vous exhortant cette lecture riche en surprises ! D’ailleurs, il s’agit de mon aventure préférée de Superman !
Pour l’acheter : 15 euros, chez Urban Comics.
2003 : Wanted (avec J.G. Jones)
Avec Wanted, Mark Millar signe l’une de ses meilleures séries ! À la fois ultra-violente et irrévérencieuse, l’histoire de Wesley Gibson, qui va être emmené à régner sur une société de super-vilains, cette mini-série est l’une des plus grandes prouesses des auteurs indépendants. Bourré de références à Batman et autres super-héros, Wanted n’oublie pas d’être une série extrêmement fun, avec un personnage qui casse sans cesse le quatrième mur (il parle avec le lecteur), point commun qu’il partage avec un certain… Deadpool. Cette mini-série a été adaptée au cinéma par Timur Bekmambetov, avec Morgan Freeman, James McAvoy et Angelina Jolie.
Pour l’acheter, 18 euros chez Panini Comics.
2006 : Civil War (avec Steve McNiven)
Disons-le tout de suite : Civil War est le chef d’oeuvre de Mark Millar. Et peut-être le meilleur comics publié par Marvel depuis les Daredevil signés Frank Miller ! Pourtant les choses auraient pu être totalement différentes. Mark Millar devait initialement écrire une histoire à propos d’une confrontation entre le X-Men. Le pitch : Charles Xavier est mort, tué par un humain. Les mutants sont livrés à eux-mêmes. Deux clans se forment : un clan voulant se venger des hommes, un autre désirant faire survivre l’idéal de Xavier, en consolidant la paix fragile entre humains et mutants. Mais Millar a eu le génie (et ce ne sera pas son seul coup d’éclat dans cette série extraordinaire) de faire entrer tout l’univers Marvel dans cette immense confrontation (tout en changeant les principaux belligérants initiaux par Captain America et Iron Man). Civil War est un uppercut en sept chapitres, à la fois superbement écrits et magistralement dessinés. Autre coup de génie : son Civil War, bien que dans la continuité des Marvel précédents, peut se lire sans presque aucune connaissance de la mythologie. Parce que la grosse SF dont Marvel a fait sa spécialité est ici remplacée par des intrigues plus humaines et plus politiques. Comme Millar l’avouera dans son interview publiée dans Comic Box 100, il est passionné de politique ! Et Civil War, c’est ça : une grande leçon de politique. Pourtant, le message de Millar reste très ambigüe… En faisant triompher Iron Man, qui soutenait l’idée que les super-héros doivent-être dirigés par le gouvernement, Millar semble trahir ses idées de gauche. Pourtant, c’est bien plus complexe que ça… Déjà, Millar fait ce qu’il a toujours fait : il va là où on ne l’attend pas ! Ensuite, plus qu’un message politique, je vois dans le triomphe d’Iron Man la fin d’une certaine innocence. Le monde a changé depuis The Dark Knight Returns de Frank Miller, où Batman faisait sa dernière grande chevauchée contre le crime et contre le gouvernement, (presque) seul contre tous, et tapant sur tout. La morale révolutionnaire et anarchiste de Miller, même si elle fait envie, ne suffit pas. Elle est trop naïve, trop enfantine. Le triomphe d’Iron Man sur Captain America ressemble bien plus au triomphe d’Ozamandias sur Rorschach dans Watchmen : le gouvernement et la raison d’état gagnent contre l’individu et son éthique libertaire. Si Millar semble partager le côté révolutionnaire de Moore, il partage surtout sa lucidité ! Bref, à lire de toute urgence !
Pour l’acheter : 29 euros, chez Panini Comics (Marvel Deluxe).
2008 : Old Man Logan (avec Steve McNiven)
Reconnu comme l’un des meilleurs scénaristes de l’Histoire, Mark Millar se voit octroyer une confiance totale de la part des co-publishers de Marvel. Rien d’étonnant à ce que Millar se retrouve à la barre de la meilleure aventure de Wolverine. Dans un futur très proche, les super-vilains ont gagné. Le monde sombre dans le chaos, et l’humanité n’a plus aucun espoir. Pourtant quelqu’un pourrait changer les choses… Logan, alias Wolverine. Mais, vieilli, il préfère vivre en paix, les griffes rangées, auprès de sa famille. En un sens, Old Man Logan peut-être vu comme un énième hommage de Millar au Dark Knight Returns ! Il s’agit en vérité du miroir déformant du comic culte de Miller ! Alors que Batman, vieux lui aussi, se lance à coeur perdu dans une chevauchée illégale, Logan préfère sa retraite. Aux buildings d’une Gotham qui ne connait que la nuit, Millar préfère les déserts et les grands plateaux américains à la Eastwood. Old Man Logan est un livre à lire de toute urgence !
Pour l’acheter : 29 euros, chez Panini Comics (Marvel Deluxe).
2008 : Kick-Ass (avec John Romita Jr)
On a tous au moins une fois entendu parler de Kick-Ass ! On a répété que le film de Matthew Vaughn était génial, qu’il fallait absolument le voir, qu’on allait kiffer de ouf tellement ce film était classe, etc. Eh bien, lisez le comics dont le film est l’adaptation ! Ultra-violent et profondément humain, drôle et énervé, poétique et vulgaire, Kick-Ass est une bombe atomique lancée dans le monde des comics. Quand je comparais Millar à Alan Moore et Frank Miller, ce n’est pas pour rien ! Il a, à l’instar de ses héros, le don de changer à jamais notre perception des comics. Entouré cette fois-ci du légendaire John Romita Jr (qui dessinait certains épisodes de Daredevil pour Frank Miller), Millar nous montre, à travers le personnage de Dave Lizewski, ce jeune homme passionné de bandes-dessinées qui deviendra Kick-Ass, son amour pour les comics, amour qu’il possède depuis son plus jeune âge. En un sens, Kick-Ass est l’oeuvre la plus personnelle de Millar, mais également la plus ambitieuse ! Jamais la violence n’avait atteint un tel paroxysme ! Cette violence est par ailleurs incarnée par la jeune Hit-Girl, justicière de 10 ans, maitrisant comme personne les armes blanches ! Jetez-vous sans retenue dans cette incroyable épopée humaine !
Pour l’acheter : 3 tomes à 26 euros, ou 6 tomes à 14 euros (chez Panini Comics).
2012 : Kingsman : Services secrets (avec Dave Gibbons)
L’amitié entre Mark Millar et Matthew Vaughn (le réalisateur de Kick-Ass) a enfanté deux autres merveilles. Kingsman : Services secrets. Un comic et un film créés en même temps. Le film, qui fut pour ma part le meilleur film de 2015 avec Mad Max : Fury Road, diffère cependant du comic. Appuyé au dessin cette fois-ci par Dave Gibbons (le dessinateur de Watchmen et de Martha Washington, un comic de Frank Miller) — d’ailleurs, ne remarquez-vous pas que Millar collabore avec les dessinateurs de ses idoles ? —, le scénariste écossais rend hommage aux films d’espions de son enfance. En effet, lors d’une discussion avec Vaughn, les deux amis ont mentionné leur regret concernant les films d’espions d’aujourd’hui, qui étaient trop américanisés, les James Bond y compris ! Alors est né chez eux la volonté d’écrire une véritable histoire d’espionnage britannique ! Mais comme d’habitude chez Millar, on casse les codes, et on met un max de références ! Kingsman s’avère finalement un magnifique hommage à la culture geek, avec cette histoire d’enlèvements de personnalités de cette culture dans laquelle nous nous reconnaissons. Violent et sulfureux, le comic vaut autant le coup que le film ! C’est vous dire quel chef d’oeuvre c’est !
Pour l’acheter, 17.50 chez Panini Comics.
2013-… : Jupiter’s Legacy (avec Frank Quitely)
À la longue liste des chefs d’oeuvres de Millar, il faudra désormais ajouter Jupiter’s Legacy. L’éditeur Panini Comics donnait ce petit résumé du comic : « En 1932, la recherche d’une mystérieuse source de pouvoir entraîne Sheldon Sampson, son frère Walter et un petit groupe d’alliés dans une quête autour du monde. Des décennies plus tard, Sheldon et Walter sont devenus des surhumains salués pour leur héroïsme. Mais à présent, une nouvelle génération doit prendre la relève et cette mission s’annonce bien difficile. » Bref, je ne vais pas vous en dire plus, pour vous laisser surprendre. Tout ce que je vous dirai, c’est qu’il s’agit d’un conflit entre super-héros comme dans Civil War, un récit percutant et novateur comme Kick-Ass, une réinvention des codes du comics comme Red Son, voilà ce qui vous attend dans cette série publiée chez Image Comics. Brillant, Jupiter’s Legacy est un de mes plus gros coups de coeur de ces dernières années. Les dessins magnifiques de Franck Quitely ne sont pas pour me déplaire. Il arrive à parfaitement restituer la violence des conflits. Malheureusement, il va falloir attendre le mois de juin avant de lire la suite de ces six premiers épisodes.
Pour l’acheter, 14.95 euros chez Panini Comics.
2014 : MPH (avec Duncan Fegredo)
Millar excelle dans le politiquement incorrect ! Dans cette nouvelle série de SF publiée chez Image Comics, le scénaristes (anti-drogues) imaginent une bande de jeunes qui trouvent une drogue qui augmente leur vitesse : le MPH ! Mais alors qu’ils pourraient sauver le monde, que nenni : ils décident de faire le mal ! Un gang de Flash Gordon, pas mal non ? MPH est une série aussi géniale qu’haletante.
Pour l’acheter, 14.95 euros chez Panini Comics.
2016 : Empress (avec Stuart Immonen)
Cette toute nouvelle série, signée Mark Millar, vient tout juste de sortir aux États-Unis ! À l’heure qu’il est, je ne vais pas pouvoir vous dire grand chose dessus (étant donné que seul le premier chapitre est sorti). Millar regrette que le space-opera familial ne soit pas assez développé ! Et il est bien décidé à l’emmener là où personne ne l’a emmené avant lui ! Servi par les dessins magnifiques de Stuart Immonen, le scénario est à la croisée de Saga (de Brian K. Vaughan) et Empire (de Mark Waid). Cette série semble trèèèèès prometteuse !