Netflix : à peine sorti, le film français Athena de Romain Gavras fait polémique
Nous vous en parlions à sa sortie, le 23 septembre : Athena, le nouveau film de Romain Gavras, est sur Netflix. Et le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il fait polémique.
Un film très polémique
Comme dit dans l'introduction, Athena est le troisième long-métrage du réalisateur français Romain Gavras, co-créateur avec Kim Chapiron (Sheitan) du collectif Kourtrajmé. Après la mort du jeune Idril, 13 ans, la cité Athena sombre dans le chaos. Au milieu d'une émeute particulièrement violente, où s'affrontent une jeunesse avide de vengeance et une police désarmée, deux frères vont voir leurs fidélités mises à rude épreuve.
Compte tenu de son sujet pour le moins sensible, le film ne satisfait pas tout le monde. Si certains spectateurs saluent la complexité technique proprement ébouriffante du film, nombreux sont ceux qui le critiquent très fortement. D'abord, plusieurs personnalités politiques, placées sur la droite et l'extrême droite de l'échiquier politique, accusent Athena d'être un film de propagande "anti-flics". En témoignent ces réactions d'Éric Zemmour et Damien Rieu :
Dans l’imaginaire de la gauche Netflix, les banlieues sont terrorisées par des skinheads déguisés en policiers. #Athena est une fable de propagande qui prêterait à rire si elle n’incitait pas à la violence contre ceux qui tentent de maintenir l’ordre avec de si faibles moyens.
— Eric Zemmour (@ZemmourEric) September 24, 2022
Je vous résume la grosse blague du film #Athena : des militants de la gigadroite déguisés en policiers ont tué un petit ange de banlieue pour qu’elle se révolte contre les policiers. Clownesque. pic.twitter.com/eeMOn6pLyX
— Damien Rieu (@DamienRieu) September 24, 2022
À l'inverse, certains spectateurs jugent que le film donne une image trop négative des banlieues françaises et de leur jeunesse.
Non, un film immonde qui n'a rien à envier à Bac Nord sur le fond. Gavras fait un cadeau aux fachos en mettant en image leur fantasme de guerre civile. #Athena, c'est de la dépolitisation en barre au profit d'une esthétisation de la violence en plans-séquences de mauvais clipard. https://t.co/6M1sw9HVHG
— Emilio Meslet (@EmilioMeslet) September 23, 2022
Mdr #Athena des scènes longues pour rien, sans émotions, une fin de merde, aucun suspences, que des personnages caricaturés de ouf, un film pour plaire au bandeur de cité et aux haineux de l'extrême droite. Tout ça réalisé par un homme qui n'y connais rien bien sur. \ud83e\udd21
— Babymoon \ud83c\uddec\ud83c\uddf9 (@dgt_leonore) September 23, 2022
Encore un film bourré de clichés sur les arabes/noirs musulmans de cités qui représente en rien la réalité de nos quartiers. Allez vous faire foutre les réalisateurs de ce genre de films ! Vous avez déjà vu un film nous valoriser sérieusement ? #Athena #Netflix
— Mira \ud83d\udc95 (@soymiramee) September 24, 2022
Athena est-il un film d'extrême gauche ou un film d'extrême droite ? Les opposants au film s'entre-déchirent concernant le nouveau film de Romain Gavras. Cependant, un peu de contexte pourrait mettre à mal ces considérations.
Finalement, c'est quoi Athena ?
Avant de répondre à la question, il faut d'abord répondre à une autre : qui est Romain Gavras ? Fils du légendaire réalisateur franco-grec Costa-Gravas (Un homme de trop, Le Couperet), Romain Gavras a co-fondé le collectif Kourtrajmé, dans le sillage du film culte La Haine de Matthieu Kassovitz, sorti en 1995.
Au sein du collectif, Romain Gavras a commencé sa carrière en réalisant des courts-métrages et des clips de rap, réputés autant pour leur mise en scène et leur violence. Après le clip de Pour ceux de la Mafia K'1 Fry, le réalisateur s'est illustré avec des clips avec une esthétique plus léchée, et une violence assumée. On songe notamment au clip Born Free de la rappeuse anglaise M.I.A en 2010, et celui de No Church in the Wild de Jay-Z et Kanye West en 2012, dans lesquels il traitait déjà des rapports violents entre la police et les populations des ghettos. D'ailleurs, dans ce dernier clip, le motif du cocktail Molotov lancé au ralenti y était déjà exploité.
Parallèlement à sa carrière de réalisateur de clip, Romain Gavras s'est mué en véritable cinéaste, avec son premier long-métrage, Notre jour viendra, sorti en 2010 (soit cinq ans après Sheitan, le premier film de son compère Kim Chapiron). Violent, le film porté par Vincent Cassel sera déconseillé aux moins de 12 ans. Viendra ensuite le film complètement déjanté Le monde est à toi, qu'il a décrit lui-même comme un anti-Scarface.
Romain Gavras a conscience d'où il vient : le monde de la musique. Et ses travaux en tant que réalisateur de clips semblent bien souvent irriguer son travail de cinéaste. Ainsi, le motif d'une population rousse souffrant de violences étatiques se retrouve aussi bien dans le clip Born Free (que nous avons évoqué plus haut, et qui a été censuré sur YouTube) et Notre jour viendra. D'où les ressemblances parfois équivoques entre Athena et No Church in the Wild.
Pour la promotion d'Athena, Romain Gavras a décrit son film comme une tragédie grecque - d'où son nom très évocateur. Si bien sûr la figure de deux frères qui s'opposent dans une cité en guerre peut bien évidemment rappeler Étéocle et Polynice, les deux frères d'Antigone qui se sont entretués, ces inspirations se retrouvent à plusieurs niveaux du film : la cité dont les remparts ressemblent à des murailles ; les policiers filmés comme des légionnaires ; l'unité de lieu et d'action, à la manière des pièces de Sophocle.
L'objectif de faire d'Athena une tragédie grecque ne semble pas tant lié à une volonté d'établir un discours politique clair, mais plutôt de créer un pont avec ses propres origines. Le Video Club de Gavras chez confrères de Konbini montre combien le réalisateur d'Athena est attaché à ses origines grecques, et une part de sa cinéphilie s'est construite par ce biais-là.
Aussi, cette démarche, sincère, de proposer une tragédie grecque dans une banlieue parisienne explique la volonté du réalisateur d'opter pour une bande-son avec des choeurs rappelant les choeurs antiques, alors qu'on y aurait tout aussi bien vu l'ensemble des morceaux de l'album Mauvais Oeil, le chef d'oeuvre incendiaire de Lunatic, le duo formé par Booba et Ali.
Si le film a été critiqué pour la faible caractérisation de ses personnages, cela s'explique également par ses inspirations : la psychologie des personnages des tragédies antiques n'est jamais très poussée, dans la mesure où ces personnages sont d'abord mus par des passions - au sens philosophique du terme -, parfois contradictoires.
Dans une interview-fleuve accordée dans le dernier numéro du remarquable magazine de cinéma Rockyrama, Romain Gavras explique que le film tire ses inspirations non pas des films de banlieue (tels que La Haine ou la série The Wire), mais plutôt de films d'époque, comme Ran d'Akira Kurosawa et Gladiator de Ridley Scott.
Du reste, au-delà des clivages politiques, Athena demeure un film absolument passionnant à analyser, surtout au niveau de sa mise en scène. Certains de ses plans-séquences sont absolument virtuoses, et il n'est donc pas étonnant que le réalisateur américain David Fincher (Se7en, Fight Club, The Social Network, Gone Girl), qui a lui aussi débuté sa carrière en tant que réalisateur de clips, connu pour la précision de sa mise en scène, se soit montré si particulièrement élogieux à propos d'Athena.
Tentaculaire et énergique. Les dons de Romain pour la mise en scène et l'écriture de ses personnages sont exposés sans remords. J'en reste bouche bée.
Et vous ? Qu'avez-vous pensé du nouveau film de Romain Gavras ? N'hésitez pas à nous le dire dans l'espace commentaires.
J'imagine que certains s'identifient au lieux de prendre de la distance. À titre de rappel, c'est une fiction.
Comment ça se fait ?
Parce que bon des nazis méchants, c'est la base la plus basique.
Mais pas pour l'extrême droite. Eux ça les choque et il veulent pas qu'on disent du mal des nazis.
Etonnant non ?
(le film est cool, bien réalisé, immersif au possible et haletant de bout en bout)
On est en 2022, les nazis aussi ont droit à une seconde chance. Merci