The Eight Hundred : cet impressionnant film chinois qui a piétiné la concurrence (Tenet, Mulan)

2020 n'est pas terminé, mais on connait déjà le triomphe de l'année au box-office. Un film qui a profité pleinement du contexte particulier dans lequel il est sorti. 

Des studios qui marchent à tâtons 

L'année 2020 aura été une année extrêmement étrange, au niveau cinématographique, du fait de la pandémie de Covid-19 qui paralyse le monde depuis février dernier. C'est une année qui, très rapidement, s'est vu vidée de ses blockbusters. Aucun film du Marvel Cinematic Universe ne sortira en 2020, et bon nombre des films les plus attendus de l'année ont été reportés aux calendes grecques. Même problème côté cinéma d'auteur, dans la mesure où la majorité des festivals, tremplins essentiels pour le cinéma indépendant, ont été annulés ou reportés, à l'image du Festival de Cannes. 

Alors que l'on attendait de Tenet de Christopher Nolan qu'il réussisse le miracle de ramener les foules dans les salles de cinéma, les majors Hollywoodiennes semblent refroidies par cette expérience. Elles ont changé à nouveau leurs calendriers de sorties, décalant à 2021 la grande majorité des films prévus pour fin 2020. Le président de Sony Entertainement avait d'ailleurs jugé que la Warner avait fait une erreur stratégique en sortant Tenet cet été, alors que la pandémie de coronavirus continuait à faire rage. 

Les gros studios Hollywoodiens ont passé l'année à tâtonner. Des films initialement prévus pour la case cinéma ont été balancés sur des SVOD, à l'instar de Mulan, Artemis Fowl ou Bloodshot, tandis que d'autres sont sortis en salles, alors que certaines rumeurs laissaient présagés qu'ils étaient destinés à sortir sur les plateformes de streaming, comme Les Nouveaux Mutants. 

L'absence des gros blockbusters 

Résultat des courses, les rares blockbusters à être sortis avant que l'épidémie ne devienne une pandémie (Sonic, Bad Boys For Life, Birds of Prey) plafonnent entre 200 000 000 (pour Birds of Prey) et 400 000 000 (Bad Boys For Life) de dollars engendrés au box-office ; Tenet vient à peine de dépasser la barre des 250 000 000 de dollars ; quant à Mulan, censé faire les yeux doux au marché chinois, ne rapporte pas autant qu'espéré, le film s'étant fait descendre en Chine avant même sa sortie en salles. Vous l'aurez compris, on est loin, très loin d'avoir un film dépassant le milliard de dollars au box-office mondial, et a fortiori les deux milliards, comme cela avait été le cas en 2019 avec Avengers : Endgame. 

Et les choses ne sont pas prêtes de s'arranger, puisque comme nous l'avons déjà dit, les studios américains continuent à revoir leurs calendriers, et à décaler leurs blockbusters à 2021. Seuls survivants pour l'instant : Mourir peut attendre de Cary Joji Fukunaga, le nouveau James Bond, toujours prévu pour le 11 novembre en France et le 25 novembre aux Etats-Unis ; Wonder Woman 1984 de Patty Jenkins, décalé au 25 décembre outre-Atlantique et le 30 décembre en France ; et Soul, le nouveau long-métrage du studio Pixar, toujours prévu pour le 25 novembre. Quant à Dune de Denis Villeneuve, pour l'instant toujours prévu au 23 décembre 2020, risque fort d'être décalé, comme en témoigne l'absence de date de sortie à la fin de la bande-annonce sortie il y a quelques semaines.

Cependant, aussi attendus et qualitatifs puissent être ces films, aucun d'entre eux ne peuvent prétendre à devenir le plus grand succès de l'année. En plein épisode de coronavirus, les studios sont contraints de viser "le temps long" s'ils veulent espérer un succès, même relatif. Du fait des restrictions dues à la crise sanitaire, les films devront rester plus longtemps en salle. Autrement dit, sortir un film en fin d'année 2020 n'exclue certes pas la possibilité d'avoir un succès, mais limite grandement les possibilités d'être le plus grand succès de cette année difficile. 

Regardez à l'est !

Il y a pourtant bien un film qui semble sortir du lot, et tirer profit de la situation : The Eight Hundred. Un film chinois réalisé par Guan Hu, et qui remporte un certain succès en Chine. Racontant un épisode de la guerre sino-japonaise (1937-1945), durant lequel 800 soldats chinois ont résisté vaillamment face 20 000 combattants japonais, The Eight Hundred est sans aucun doute le plus gros succès de l'année, puisqu'il avait déjà rapporté 441 000 000 de dollars, rien qu'en Chine, après seulement un mois d'exploitation (le film est sorti le 21 août 2020). On peut comprendre l'intérêt que revêt ce film pour le public chinois. Célébrant le passé militaire chinois et offrant un commentaire sur les dissensions entre la Chine et le Japon, le film semble jouer à fond la carte du nationalisme, très fort dans l'Empire du Milieu. 

On peut d'ailleurs s'amuser à comparer le succès de The Eight Hundred et Mulan de Disney. Comment expliquer le fait que le film de Disney se soit fait écraser au box-office par The Eight Hundred, alors qu'il était taillé pour plaire au public chinois ? Ne pouvant juger de la qualité du film chinois, étant donné qu'il n'est pas sorti en dehors des frontières chinoises (une sortie en Angleterre et en Australie a été confirmée), on ne peut que se perdre en suppositions. Et la plus plausible est que le film a souffert de l'appel au Boycott, car jugé trop occidental. 

L'épidémie de coronavirus aura ainsi permis de mieux comprendre comment le box-office chinois devient décisif dans le succès d'un long-métrage. De plus en plus dépendant du public chinois, Hollywood tente de lui faire les yeux doux, quitte à provoquer de multiples polémiques. La dernière en date : l'adaptation d'un roman de SF chinois produit par Netflix et scénarisé par les showrunners de Game of Thrones, qui a provoqué une levée de boucliers au sénat américain. Or, dans un contexte de guerre économique entre les USA et la Chine, ce profond déséquilibre risque de coûter terriblement cher au système Hollywoodien.