Si la série Squid Game a fait comprendre à ceux qui ne le savaient pas encore que la Corée du Sud possède un formidable faire valoir dans le domaine du divertissement, elle nous rappelle aussi que le pays du matin calme a entamé depuis plusieurs années une politique de déploiement de sa culture à l'international. Une organisation bien ficelée, et dont on n'a pas fini d'entendre parler.
"Hallyu" et le cinéma coréen
La série Netflix Squid Game vient de confirmer son statut de succès planétaire, puisqu'elle est passée en tête des séries les plus visionnées de tous les temps sur Netflix (malgré un système de calcul métrique ambigu et décrié de la plateforme, explication ici). Avec une facilité déconcertante, le calamar de Netflix a envahi notre fil d'actualité en moins de 4 semaines, et traverse désormais nos écrans en s'immisçant dans notre quotidien. Mais Squid Game n'est qu'une vitrine de la fascination de la France et de l'Occident pour la culture populaire sud-coréenne, qui a déjà entamé son ascension il y a déjà plusieurs années. Alors comment, et pourquoi un tel engouement ?
Appelée "Hallyu", ou littéralement la "vague coréenne", le soft power sud-Coréen a pris son essor à la fin du 20e siècle. Après une importante crise financière, le gouvernement décida d’investir massivement dans les industries culturelles et d'entamer une politique d'exportation de produits culturels coréens au début des années 2000. C'est ainsi que le cinéma coréen a bénéficié d'une loi pour sa promotion, et d'une incitation fiscale qui va attirer des investissements en vue de diffuser ses films à l’international. En 2003, le poids économique de l’industrie du divertissement est multiplié par cinq. Des films comme Old Boy (2003), Memories of Murder (2004), The Host (2006), The Chaser (2009), Mother (2010) font mouche en occident, et choquent autant qu'ils ne fascinent par leur esthétique, à la fois sombre et teintée d'humour noir. La figure de l'anti-héros coréen séduit, et son cinéma se voit régulièrement invité à la table des prestigieux festivals. Citons par exemple le Grand Prix du Jury au Festival de Cannes pour Oldboy en 2004.
C'est au milieu des années 2010 que cet élan va s'accentuer. Dernier Train pour Busan, Okja, ou Snowpiercer, Le Transperceneige, ces films incarnent le blockbuster à la sauce sud-coréenne. Plus de moyens (cinquième marché cinématographique mondial), la Corée voit aussi ses acteurs s'exporter aux USA (Ma Dong-seok, à l’affiche de Dernier train pour Busan (2016), fait partie du casting de The Eternals, prochain film Marvel. Tout comme ses réalisateurs Park Chan-Wook, et Bong Joon-Ho en tête. Ce dernier atteindra le summum de la gloire puisqu'il remportera la Palme d'Or du Festival de Cannes pour son film Parasite en 2019, et quatre Oscars à Hollywood 2020. Par la même occasion, c'est le triomphe du cinéma coréen qu'il porte en étendard.
Créer des graines de stars
Ce soft power coréen s'illustre aussi à travers la K-pop et le boys band BTS, qui à travers son passeport Dynamite, a explosé le record du nombre de vues sur YouTube en 24h (100 millions en une journée), a déjà rempli deux fois le stade de France, et a placé en 2019 trois albums en tête du classement Billboard en moins d’un an depuis les Beatles. On a déjà connu en 2012, un raz-de-marée quasi-similaire avec Gangnam Style de Psy, vidéo devenant la plus visionnée sur YouTube avec plus de 2,3 milliards de vues, cela en moins de deux ans.
Ce culte de la star est né des grandes agences de divertissement coréennes qui recherchent et sélectionnent de jeunes talents afin de les former et de les faire rayonner à l’international. On les appelle les "idols", stars de la k-pop, aussi bien capables de chanter, que de danser, ou encore gérer leur image. Et les BTS en sont les plus grands représentants. Grâce à cette politique, la valeur des exportations de l'industrie musicale du pays s'élevait à environ 756,2 millions de dollars en 2019.
armée de fans, Chaebols et gâteaux au sucre
Cette vague du Hallyu s'est aujourd'hui étendue aux domaines de la cuisine, du cosmétique (K-Beauty) et bien sûr des dramas, séries TV coréennes dont Squid Game fait partie. Des dramas qui expliquent leurs succès par les thématiques abordées, dans l'air du temps (des inégalités économiques et sociales de plus en plus importantes, le dépassement de soi, l'ultra compétitivité ou encore la pression scolaire).
Cette culture de la diffusion est ainsi bien aidée par les conglomérats appartenant à de riches familles, les Chaebols, qui gèrent parfaitement la production et la diffusion des produits culturels locaux. À titre d'exemple, les Dalgona, biscuits traditionnels au cœur de la seconde épreuve de Squid Game ont vu leurs ventes exploser depuis la sortie de la série. Cette dernière a aussi un impact sur l'une des fêtes les plus populaires aux Etats-Unis et en occident : Halloween, puisque les costumes des gardes ou de la désormais mythique poupée d'1,2,3 soleil devraient pulluler dans les allées obscures.
Un modèle bien ficelé qui, après s'être ouvert au monde, se voit désormais attiré sur ses terres par des touristes désireux de visiter les lieux de tournage des séries locales, ainsi que de découvrir la culture pop et d'assister à des événements de fans. Le Hallyu coréen n'est en tout cas pas prêt de s'apaiser, SM Entertainment, l'un des 4 quatre plus gros labels coréens ambitionne d'exporter sa recette de graines de stars à l'étranger, celle-ci relayée et diffusée par des armées de fans sur les réseaux. Cela à travers une organisation sans failles : concerts en ligne, fan-fictions, réseaux sociaux dédiés aux artistes coréens afin qu'ils chattent avec leurs fans, organisation de soirées-streaming. Une composante essentielle du succès de la K-pop à travers le monde, à tel point que ces fans ont le pouvoir de canceller tel ou tel artiste. Car oui, rappelons que le pays du matin calme est le plus connecté au monde.
Par Xmattks, il y a 3 ans :
dérives tout de même dans les écoles primaires avec 1,2,3 soleil, on voit les limites de la popularisation d'un produit du divertissement
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