L'Attaque des Titans : voici pourquoi Hajime Isayama a très bien pensé chaque étape de l'Horreur
Alors que le manga Shingeki No Kyojin s'est officiellement terminé, il est temps d'analyser l'oeuvre dans sa globalité. Quelles sont les raisons d'un succès planétaire ? Comment SNK est sorti de l'ombre pour, très vite, passer dans la lumière (et à la postérité) ? Nous vous proposons, dans cet article, de revenir sur les différents mécanismes de l'Horreur mis en place par Hajime Isayama. On commence sans plus tarder !
Attention : vous pouvez lire cet article si vous êtes un anime only puisque nous ne dirons rien de la fin du manga livrée par Hajime Isayama. En revanche, cet article contient des spoils concernant les quatre premières saisons de l'anime. Ne continuez pas votre lecture si vous ne les avez pas toutes vues.
1) Les Titans
En tant que menace externe, les Titans nous ont terrifié dans les premières saisons. Non seulement ces derniers sont capables de croquer un humain en deux comme s'il s'agissait d'un biscuit sec, mais en plus de cela, certains d'entre eux le font avec un sourire qui nous, nous terrifie. Leur origine mystérieuse en font des menaces contre lesquelles il est particulièrement difficile de lutter. Hansi, en cherchant à les connaître un peu mieux, est sur la bonne voie, bien qu'elle ne parviendra pas à trouver toutes les réponses elle-même. Le Titan (surtout dans la première saison), représente non seulement la mort, mais surtout une mort vide de sens, quand l'on n'est pas membre du Bataillon d'exploration. Il n'y a guère de sens à finir en charpie dans la bouche d'un être qu'on ne comprend pas, et dont on ne sait pratiquement rien.
Leur apparition mystérieuse ajoute un sentiment de peur constante. Puisqu'on ne les connaît pas, on ne peut pas prédire leur arrivée, ni leur taux d'apparition. Le fait que l'ennemi peut surgir et en finir avec vous en un rien de temps laisse les humains confrontés aux Titans dans un état de stress permanent.
2) L'humanité
La réponse de l'humanité (de Paradis) aux Titans a été de créer un environnement complètement replié sur lui-même. La famine s'est fait connaître, et une hiérarchie bien huilée s'est établie. Les murs protégeant les habitants scellent leur sort. Comme le dit Eren avec cette réplique culte, "Même sans pouvoir franchir ce mur, on peut vivre, manger, dormir. Mais c'est comme si on était du bétail !".
L'environnement que l'Humanité s'est créée en réponse à le menace que constituaient les Titans est un environnement où les différences sociales et les différences de richesses sont importantes. Si l'on prend comme exemple les conditions de vie des membres du gouvernement et les conditions de vie de Livaï lorsqu'il était enfant, nous avons là un bon aperçu des problèmes de société de Paradis. Entre les généraux malveillants et les pots-de-vin en politique, d'autres menaces que les Titans pèsent sur l'Humanité.
3) La question de la confiance
Lorsqu'il a été révélé au cours de la première saison que les êtres humains avaient réellement le pouvoir de se transformer en Titans, le Bataillon d'exploration s'est retrouvé confronté à une situation inédite. Dorénavant, l'ennemi n'est plus forcément le Titan, mais peut très bien aussi être l'humain. Assez rapidement, Eren, Armin et Mikasa commencent à avoir des doutes sur ceux qui les entourent, puisque certains de leurs alliés pourraient être des Titans déguisés. La confiance que l'on accorde à autrui est donc toute relative.
En plus de la terreur liée à l'inconnu, et de cette perte de confiance envers d'autres membres de l'Humanité, se mêle le concept de "Titans intelligents". En effet, le Bataillon d'exploration comprend que certains Titans transformés, et issus d'humains, peuvent conserver leur intelligence. Cette information est capitale en terme de stratégie, puisqu'en dehors de leur force et de leurs capacités physiques bien supérieures aux humains, les Titans sont donc, pour certains spécimens tout du moins, capables d'utiliser la logique pour surmonter les défis que proposent le Bataillon d'exploration.
Finalement, plus l'on en apprend sur les Titans, plus l'horreur prend des tournures inattendues. Et ce mécanisme plaît énormément à Isayama, comme on va le voir un peu plus tard.
4) pessimisme, désenchantement moral et nihilisme destructeur
Dès la fin de la saison 3, l'on commence à comprendre l'impensable. Le monde entier est contre Paradis. Les animes only ont d'ailleurs été surpris par les différences qui existaient entre la saison 3 et la saison 4 concernant les personnages, et surtout ceux venait de Paradis. Le regard de Eren, par exemple, a changé du tout au tout.
En apprenant que les autres nations du monde étaient contre eux, la paix est apparue difficile à acquérir, voire même impossible, selon les tempéraments. Le nihilisme est venu s'enfoncer dans le coeur et dans l'esprit des personnages. Le nihilisme est, en effet, une théorie philosophique affirmant l’absurdité de la vie ainsi que l’inexistence de la morale et de la vérité. Le nihilisme, selon Nietzsche, prend sa source dans la modernité, et souligne la décadence de la civilisation. Le nihilisme, cependant, tend à être dépassé : il n'est qu'une phase de transition, une étape dont la finalité est de créer une société nouvelle, et correspond ainsi très bien, de ce fait, à la saison 4 de l'anime.
5) la question de la confiance en soi
En plongeant un peu plus profondément dans l'idée qu'il est impossible de faire confiance à l'humanité, Hajime Isayama a fait en sorte que Mikasa et Armin n'aient plus confiance en Eren, et ce, dès le début de la saison 4. Il s'agit d'une véritable mise à l'épreuve pour les personnages principaux, qui ont eu l'habitude de fonctionner en trio.
Chaque personnage a désormais des blessures intérieures profondes, qui s'apparentent à des fissures dans leur propre psyché. On le remarque notamment lorsque Armin utilise le pouvoir du Titan colossal, et tue d'innombrables citoyens innocents de Mahr. L'Horreur se fait plus insidieuse dès la saison 4, puisqu'elle peut facilement venir de soi-même. Les menaces sont désormais internes et externes, et en plus de l'ennemi, il faut apprendre à se méfier de soi-même.
6) les péchés du passé
La question du rachat des péchés, mais aussi de la répétition de l'Histoire sont des sujets très présents dans L'Attaque des Titans. Les citoyens du monde se retrouvent, en souhaitant racheter les fautes de leurs ancêtres, à commettre des erreurs similaires, voire des erreurs bien pires que celles qui ont été commises auparavant. Un sentiment d'absurde naît de tout cela, qui est finalement l'un des plus gros mécanismes de l'Horreur. L'absence de sens et de signification sème la zizanie chez les Hommes, et peut en détruire certains. Comment échapper à cette boucle infernale alors que l'on tente de s'en éloigner, mais que nos actes nous y reconduisent inlassablement ? Il s'agit du même fonctionnement que celui que l'on observe dans certains mythes antiques. Le supplice de Tantale, par exemple, repose sur le même procédé.
Comme on l'a vu auparavant, Hajime Isayama nous démontre, avec L'Attaque des Titans, que la peur de l'inconnu est grande, mais que connaître notre ennemi peut amener une peur plus grande encore. L'ennemi, en effet, n'est pas forcément autrui, dans SNK. Les menaces sont plurielles, et il ne s'agit en aucun cas d'une guerre visant à faire triompher le Bien contre le Mal. En connaissant les terribles fautes de ceux que l'on considère comme des ennemis, on en vient finalement à mieux se connaître soi-même, et nos propres fautes sont ainsi, elles aussi, mises en lumière. Il s'agit certainement d'une des raisons pour lesquelles L'Attaque des Titans a parlé à un si grand nombre, et une des raisons pour lesquelles l'oeuvre continuera certainement d'être une référence dans le genre, à l'avenir.