Halloween : cinq films pour ceux qui n'aiment pas avoir peur !
C'est Halloween, et nous sommes confinés. Dans ce dossier, nous vous proposons une sélection de films à voir ou à revoir en cette soirée. Nous avons cependant pris le parti de vous proposer des films qui plaire autant aux fans de cinéma gothique qu'à ceux qui n'apprécient pas avoir peur. On rappelle que nous avons récemment publié plusieurs dossiers sur les films d'horreur à voir pour Halloween : notre Top 10 des meilleurs films d'horreur à voir sur Netflix pour Halloween, notre sélection des meilleurs films de fantômes ou encore nos dix films, livres et séries d'horreur à conseiller à ceux qui n'aiment pas ça.
1 - Les Noces Funèbres (Tim Burton, 2005)
Souvent cité comme étant le dernier grand film de Tim Burton (Beetlejuice, Sleepy Hollow), Les Noces funèbres signe le grand retour du cinéaste américains à ses premiers amours : l'animation image par image. Après avoir confié à Henry Selick la réalisation de son Etrange Noël de Monsieur Jack (on vous renvoie à notre article que nous avons récemment consacré au film), Burton était bien décidé à signer lui-même la mise en scène des ces Noces Funèbres. Par bien des aspects, Les Noces funèbres est le film le plus burtonnesque des années 2000. Le réalisateur y explore toutes ses obsessions, et semble revisiter son propre cinéma. Comme dans Beetlejuice, la mort y est plus lumineuse que la vie elle-même ; le monde des morts rappelle la Ville de Halloween dans L'Etrange Noël de Monsieur Jack ; le squelette de Napoléon est un clin d'oeil à Mars Attacks!. On peut également citer le fait que le personnage de Victor (Johnny Depp) ressemble à s'y méprendre à une version adulte du jeune Vincent, personnage principal du premier court-métrage de Burton (Vincent) ; ou encore que Scrabs, le chien squelette, évoque à la fois le chien de Frankenweenie et Zero, le chien de L'Etrange Noël de Monsieur Jack.
Les Noces funèbres est aussi une excellente porte d'entrée vers un certain cinéma gothique. Tim Burton, metteur en scène à la cinéphilie affirmée, y invoque de nombreux films qui l'ont forgé en tant qu'homme et cinéaste. Ainsi, le personnage d'Emily, la Mariée (Helena Bonham Carter) rappelle La Fiancée de Frankenstein (1935) de James Whale ; certains plans du film sont profondément inspirés du Cabinet du docteur Caligari (1919) de Robert Wiene. On peut également évoquer le fait que la forêt dans laquelle Victor rencontre la Mariée n'est pas sans rappeler l'atmosphère des films de la Hammer, qui l'avaient déjà inspiré pour Sleepy Hollow (1999). Les Noces funèbres est également un film sous forte influence littéraire. Inspiré d'un conte d'Europe de l'Est, certaines scènes évoquent quelques grandes oeuvres de la littérature européenne : la mort d'un personnage par empoisonnement rappelle Hamlet de William Shakespeare, et la demande en mariage à l'origine du quiproquo est un clin d'oeil plus qu'évident à La Vénus d'Ille de Prosper Mérimée.
2 - Dracula (Francis Ford Coppola, 1992)
Lorsqu'on évoque le nom de Francis Ford Coppola, on pense bien évidemment en tout premier lieu au Parrain, l'une des plus grandioses trilogies du cinéma Hollywoodien. On pense aussi à Apocalypse Now, film de guerre révolutionnaire, qui n'a rien à envier au Full Metal Jacket de Kubrick. Cinéaste légendaire, essentiel, à l'aise dans tous les genres, Francis Ford Coppola a également livré l'un des plus beaux films gothiques de l'Histoire du cinéma, avec Dracula (1992). Porter à l'écran le roman de l'irlandais Bram Stoker n'est pourtant pas aisé, tant il a été adapté au cinéma et à la télévision. Du Nosferatu (1922) de Murnau au Cauchemar de Dracula (1958) de Terence Fisher, en passant par le Dracula (1931) de Tod Browning et celui de John Badham (1979), le célèbre vampire est passé de mythe littéraire à mythe cinématographique. Encore récemment, Steven Moffat et Mark Gatiss (Doctor Who, Sherlock) ont adapté Dracula dans une mini-série BBC disponible depuis janvier sur Netflix.
Et on ne dira jamais assez à quel point la version de Dracula de Coppola est gigantesque. Avec sa mise en scène aussi sublime que baroque, qui vient souligner toute la mélancolie du récit de Bram Stoker, Francis Ford Coppola livre sans doute la meilleure adaptation de Dracula. On arrêtera là l'éloge de sa mise en scène, tant elle est évidente. Le récit du film est absolument brillant, tant le scénariste James V. Hart parvient à la fois à coller au plus près du livre de Bram Stoker, tout en condensant le meilleur des précédentes adaptations, comme l'idée géniale selon laquelle Dracula serait confronté à la réincarnation de son amour perdu, idée forte du film Dracula et ses femmes vampires (1973) de Dan Curtis, et qui sera reprise dans la série BBC de Moffat et Gatiss. Coppola peut aussi s'appuyer sur un casting quatre étoiles : Gary Oldman (Harry Potter, Léon), Winona Ryder (Beetlejuice, Stranger Things), Anthony Hopkins (Le Silence des Agneaux, Westworld) et Keanu Reeves (Matrix). Mention spéciale également à la musique de Wojciech Kilar.
3 - Les Maîtresses de Dracula (Terence Fisher, 1960)
Après avoir évoqué le Dracula de Francis Ford Coppola, il nous fallait évoquer les incarnations du célèbre vampire par la Hammer, légendaire studio britannique spécialisé dans le cinéma d'horreur et fantastique, malheureusement trop souvent oublié de nos jours. Il est de notoriété commune que le grand Christopher Lee (Le Seigneur des Anneaux, Star Wars) a incarné à de nombreuses reprises le vampire Dracula pour le compte de la Hammer, et ce dès Le Cauchemar de Dracula (1958) de Terence Fisher, souvent considéré comme le meilleur film de la Hammer. Toutefois, nous avons choisi de vous parler d'un autre film, moins connu, et mais néanmoins excellent : Les Maîtresses de Dracula de Terence Fisher, parce qu'il nous semble plus que représentatif du cinéma de la Hammer.
Ce film est signé Terence Fisher, qui fut le plus grand artisan du studio, pour lequel il réalisé 16 films, dont la meilleure version du Chien des Baskervilles (1959) avec Christopher Lee. Première particularité des Maîtresses de Dracula : malgré le fait qu'il figure dans le titre, le célèbre vampire n'y apparaît pas. Dracula est remplacé par le baron Meinster, magistralement interprété par David Peel. Ensuite, préférant la métaphore insidieuse à la démonstration outrancière, le film est terriblement sexy, cumulant les métaphores et allusions sexuelles. Jouissant d'une liberté sans pareille, qui se ressent dans la mise en scène autant que dans le jeu de ses interprètes, Les Maîtresses de Dracula semble annoncer ce que deviendra, quelques années plus tard, le studio Hammer : un studio de séries B et de séries Z, terriblement audacieux d'un point de vue artistique, et s'amusant à provoquer en mêlant au bestiaire gothique des figures profondément érotiques, donnant naissance à des films aussi absurdes que maîtrisés, à l'image de Dr Jekyll et Sister Hyde (1971) de Roy Ward Baker ou La Fille de Jack l’Éventreur (1971) de Peter Sasdy.
4 - Shaun of the Dead (Edgar Wright)
Si Halloween est souvent perçue comme étant la fête de la peur, n'oublions pas qu'il existe de nombreuses comédies hilarantes invoquant le bestiaire fantastique des films d'horreur. On peut ainsi évoquer La Famille Adams (1991) de Barry Sonnenfeld, Frankenstein Junior (1974) de Mel Brooks ou encore Shaun of the Dead (2004) d'Edgar Wright. Cette comédie-horrifique britannique, écrite par Simon Pegg et Edgar Wright, est le premier volet de la trilogie Blood and Ice Cream, aussi appelée trilogie Cornetto, que viennent compléter les films Hot Fuzz (2007) et Le Denier Pub avant la Fin du Monde (2013).
Mais on aurait tort de voir en Shaun of the Dead une simple comédie tant le film est brillant. Véritable modèle dès lors où il s'agit de fusionner les genres, Edgar Wright parvient à synthétiser le meilleur de l'humour british au meilleur du film d'horreur. Adoubé par le maître Stephen King, le film fait référence jusque dans son titre au célèbre Dawn of the Dead (1978), le chef d'oeuvre de George A. Romero. Avec une mise en scène terriblement efficace pour une comédie, Edgar Wright peut également s'appuyer sur le potentiel comique de son acteur principal et co-scénariste Simon Pegg, accompagné de son compère de toujours Nick Frost. Enfin, Shaun of the Dead n'est pas qu'un pur moment de déconne à la Monty Python (Sacré Graal !). Reposant sur un scénario terriblement solide, le film parvient avec une facilité déconcertante à nous faire passer du rire à la boule au ventre. Du génie !
5 - Nosferatu, fantôme de la nuit (Werner Herzog)
Certains spectateurs ont découvert Werner Herzog dans la première saison de The Mandalorian, dans laquelle il interprète Le Client. S'il est un acteur au charisme magnétique, Werner Herzog est avant tout un cinéaste au talent exceptionnel, comme en témoigne son Nosferatu, fantôme de la nuit (1979), remake flamboyant du Nosferatu de Murnau. Le cinéma tourmenté (c'est un euphémisme) de Werner Herzog trouve ici un de ses plus flamboyants échos, avec cette nouvelle adaptation du roman de Bram Stoker.
Attention : le but de Herzog n'est évidemment pas de se confronter au chef d'oeuvre expressionniste de Murnau. Le réalisateur allemand livre seulement une version plus pessimiste que jamais du mythe du vampire. Le passage du noir et blanc à la couleur permet à Werner Herzog d'utiliser une autre grammaire. Kitsch parfois, sublime souvent, étrange tout le temps, son Nosferatu brille par ses nombreux silences. Ses personnages sont passionnants lorsqu'ils se taisent. Le comble pour un film parlant ! Le Nosferatu d'Herzog en rebutera plus d'un. Trop bizarre, trop grotesque parfois lorsque ses principaux interprètent ouvrent la bouche (Klaus Kinski, Isabelle Adjani). Malgré cela, rares sont les films fantastiques qui sont parvenus à dire aussi bien la profonde solitude du vampire. Pour son propos, pour la poésie de sa mise en scène, pour son étrangeté qui oscille entre malaise et terreur, pour sa musique, Nosferatu, fantôme de la nuit est un film à découvrir, et qui devrait ravir les plus cinéphiles d'entre vous.