Quand George Lucas s’est inspiré de l’universitaire Joseph Campbell pour écrire Star Wars

Attention, que les choses soient bien claires : George Lucas est bien le père de la saga Star Wars. Mais il faut savoir que le réalisateur n’a pas imaginé ses trilogies à partir du néant. Lucas s’est inspiré de la mythologie, cela va de soi ! Sa propre mythologie, un peu comme Tolkien l’avait fait avec Le Seigneur des Anneaux. 

La principale caractéristique du mythe c’est bien entendu de mettre en scène des symboles forts à l’aide de grandes figures comme le bien, le mal, avec une belle morale à l’issue du combat du bien contre le mal. Mais il ne faut pas réduire ces mythes à de simples fables manichéennes. Le voyage laborieux de Luke Skywalker en est l’illustration parfaite : des doutes, un héritage et un fardeau imposé au cœur qui se croyait pur. Et c’est là qu’intervient l’inspiration d’un certain Joseph Campbell (1904-1987), un universitaire américain et auteur du livre Le Héros aux milles visages dans lequel il explique que les mythes de différentes cultures à travers le monde avaient un fond commun, et ce, depuis l’Antiquité. Le schéma est toujours le même : un héros ordinaire qui part dans une fabuleuse et périlleuse quête initiatique.

Ici, Luke Skywalker connaît l’appel à l’aventure et des rites initiatiques pour lui révéler sa condition chevaleresque. 

Première étape : un homme ordinaire devient le héros

En lisant Campbell dans son livre sorti en 1949, l’auteur explique au milieu de ces histoires, qu’un héros se dessine à travers un homme ordinaire qui va connaître un fabuleux destin, mais qui devra surmonter plusieurs épreuves pour parvenir à son rêve. Son parcours débute par le départ pour l’extraire de son environnement afin qu’il puisse répondre à l’appel de l’aventure. Joseph Campbell a d’ailleurs résumé son idée de monomythe dans cette fameuse citation :

"Un héros s'aventure à quitter le monde du quotidien pour un territoire aux prodiges surnaturels : il y rencontre des forces fabuleuses et y remporte une victoire décisive. Le héros revient de cette mystérieuse aventure avec la faculté de conférer des pouvoirs à ses proches."

Après l’appel de l’aventure, le héros va emprunter la route des épreuves en étant seul ou en se faisant aider. Puis, au paroxysme de l’aventure, il doit faire face pour survivre à un défi, le plus souvent grâce à l’aide qu’il a reçue au cours de son périple. Si le héros réussi, il va acquérir un don, souvent traduit par une découverte de soi. Puis enfin, il va devoir revenir dans le monde ordinaire avec ce don en faisant face à de nouvelles épreuves sur le retour. S’il y parvient, il pourra mettre en application ses pouvoirs pour améliorer le monde. 

En 1985, Campbell et le journaliste Bill Moyers réalisent des interviews dans le ranch Skywalker de Lucas pour la chaîne PBS. Les millions de téléspectateurs comprennent que le réalisateur de la trilogie intergalactique a puisé son inspiration dans la théorie de l’universitaire. Invité à voir les films par George Lucas, Campbell déclara :

"Nos ordinateurs, nos outils, nos machines ne suffiront pas. Il nous faut compter sur notre intuition, sur notre réel [...] Luke Skywalker n'est jamais aussi raisonnable qu'au moment où il découvre en lui-même assez de ressources pour affronter sa destinée."

Dans Le Nouvel Espoir, toute l’histoire répond au monomythe de Campbell. Tout d’abord, Luke quitte sa ferme perdue sur la planète Tatooine pour partir combattre l’Empire, dérober les plans de l’Etoile Noire et délivrer Leia. Il accomplit son destin en devenant le héros de l’Alliance rebelle. Son voyage est un périple ! Grâce à Kenobi, Luke va être guidé et va réussir à obéir à la Force. L’autre emprunt de Lucas à Campbell, c’est aussi la rédemption de Han Solo, qui devient lui aussi un héros en sauvant Skywalker alors qu’il n’était qu’un mercenaire. 

Campbell : l’influence de la pop culture 

Joseph Campbell n’a pas seulement influencé et inspiré Lucas. Lors de l’écriture du scénario de 2001, l’Odyssée de l’espace Kubrick a fait connaître le livre à Arthur C. Clarke. Un producteur des studios Disney a expliqué que le livre Le héros aux mille visages était un guide pour les scénaristes. Il a d’ailleurs été utilisé lors de la production d’Aladdin, du Roi Lion ou de La Petite Sirène.

Des chercheurs ont aussi remarqué que la série à succès Harry Potter de J.K. Rowling répondait au schéma campbellien. Pour l’heure, l’auteur n’a pas encore confirmé qu’elle s’en était inspirée. Enfin, les showrunners de Lost : Les Disparus, évoquent dans les bonus du DVD de la saison 6 que les chemins de chaque personnage illustrent une citation de Campbell.

Malgré cela, il ne faut pas oublier que George Lucas est un fossoyeur de mythes. Il a eu le talent de les synthétiser pour en faire quelque chose de personnel. Sa saga Star Wars n’est pas qu’un simple héritage de ses pères Tolkien et Campbell. A son tour, Lucas est devenu un mythe du cinéma qui a réussi à faire rêver des millions de spectateurs sur la planète.