Le Seigneur des Anneaux : voici à quoi devait ressembler Le Hobbit de Guillermo Del Toro
On l'a dit, et mille fois montré : chez Hitek, nous sommes de grands amateurs de fantasy. Il y a peu, nous vous proposions un long sujet sur les raisons qui expliquent l'échec du Hobbit. Pour compléter ce sujet, nous revenons aujourd’hui plus en détail sur ce qu’auraient dû être ces films. En effet, avant d’être réalisée par Peter Jackson, la saga du Hobbit aurait dû être réalisée par Guillermo Del Toro.
Pourquoi Guillermo Del Toro devait réaliser le Hobbit
Malgré son amour pour le lore de Tolkien et le succès de la trilogie du Seigneur des anneaux, Peter Jackson a toujours expliqué ne pas vraiment être intéressé par l’idée d’adapter Le Hobbit de Tolkien, qui décrit des événements se déroulant durant la jeunesse de Bilbon le Hobbit. Cependant après le succès de la première trilogie, de leur coté les studios souhaitaient vraiment exploiter l’univers du film. Jackson accepte donc de produire, mais pas de réaliser, une adaptation du roman de Tolkien Le Hobbit. Sachant que ce livre est bien plus proche du conte de fées que Le Seigneur des Anneaux, il souhaite confier le projet à un réalisateur plus sensible à ce genre.
En avril 2008, alors qu’il entame la promotion de son très réussi Hellboy 2, Guillermo Del Toro est officiellement annoncé comme étant le réalisateur des préquels du Seigneur des Anneaux : Le Hobbit. La nouvelle est accueillie avec enthousiasme par les fans de fantasy, tant le réalisateur a déjà prouvé son amour du genre et sa capacité à l’aborder de manière originale. Des films comme Le Labyrinthe de Pan, Hellboy 2, et même à sa façon Blade 2 se nourrissent du genre pour proposer des films qui sortent du lot du tout-venant hollywoodien. Après l’annonce, Del Toro part travailler sur le projet en Nouvelle-Zélande.
Le Hobbit vu par Guillermo del Toro
Savoir à quoi aurait ressemblé Le Hobbit version Del Toro est particulièrement compliqué. Le travail de Del Toro, étant en partie considéré comme propriété intellectuelle de l'ancien réalisateur, Peter Jackson, a dû repartir d’une copie quasiment blanche en seulement quelques mois. Il existe donc peu de traces des recherches de Del Toro, et ce malgré son très long passage en Nouvelle-Zélande. De fait, vous trouverez dans les lignes qui suivent autant d'éléments avérés et appuyés par des extraits d'interviews que quelques éléments connus, mais aussi le relais de rumeurs persistantes.On sait par exemple avec certitude que le réalisateur de La Forme de l’eau avait déjà commencé à superviser la création de nombreux décors et créatures. Del Toro avait une vision bien à lui de cet univers. L’un des éléments importants, c’est qu’il souhaitait respecter le côté « conte de fées » de The Hobbit, qui a une tonalité relativement éloigné de la très sérieuse trilogie du Seigneur des Anneaux.
Le Hobbit était à l'origine destiné aux enfants. Le livre avait été pensé pour que l’on puisse lire un chapitre par soir, et Del Toro voulait conserver cette tonalité enfantine, ou du moins en partie. L’une des idées de cette adaptation était de parler de la perte de l'innocence. Bilbon aurait été un personnage plus insouciant confronté à chaque étape du voyage à des éléments toujours plus horrifiques et violents.
Del Toro aurait également établi des parallèles avec la Première Guerre Mondiale, durant laquelle Tolkien a combattu. Del Toro avait d’ailleurs déjà utilisé la confrontation entre le fantastique et la dureté de conflits bien réels pour mettre en images des fables étranges et tragiques sur des enfants qui y perdent leur innocence (L'Échine du diable et Le Labyrinthe de Pan). Au sujet de cet arc narratif, Del Toro déclarait à l’époque:
On est d'abord face à un monde qui est légèrement plus doré au début, un environnement très innocent, puis le film doit vous emmener depuis un instant marqué par une forme de pureté, vers une réalité plus sombre tout au long du film, mais tout en gardant l'esprit du livre.
Le Hobbit en 2 films et non 3
Conscient de la richesse du lore et de l’enjeu de pouvoir relier Le Hobbit au Seigneur des Anneaux de manière homogène, Guillermo del Toro souhaite dès le début transformer le court roman en 2 films. Bien que le réalisateur mexicain veuille marquer Le Hobbit de sa patte, il est aussi un très grand admirateur du travail de Jackson et veut donc lui rendre hommage. Ainsi, la dernière partie du diptyque aurait certainement marqué une évolution dans le ton et le style afin de permettre de créer une transition stylistique harmonieuse avec la trilogie de Peter Jackson.
Le premier film aurait contenu la majeure partie de l'histoire du roman, explorant le voyage et l'aventure de Bilbon avec les nains. Smaug aurait été introduit dans le premier film, tout comme l’orc qui s’opposait aux nains (Bolg ou Azog). Del Toro estime aussi qu'en s'engageant dans l'atmosphère d'un conte de fées,le premier film pourrait plus facilement avoir une tonalité différente de celle du second.Son objectif est également de modifier l’esthétique de ce premier volet par rapport à celle de la trilogie Le Seigneur des Anneaux.
Durant son long travail de recherches, il rassemble des croquis des anciennes éditions du roman et des peintures de fans des œuvres de Tolkien pour s’en inspirer et nourrir son premier épisode. Par exemple, Del Toro souhaite modifier l’aspect des Wargs dans ses films. Son idée est de leur donner un aspect plus fantaisiste et moins rationnel que ceux créés par Jackson. L’idée du réalisateur du Labyrinthe de Pan est de plus se rapprocher de certains loups-démons présents dans la mythologie nordique.
Le deuxième film aurait été une transition, permettant au fond et à la forme de se marier au mieux avec la trilogie du Seigneur des Anneaux de Jackson. Les artistes de l'équipe avaient ainsi comme directive de mélanger l'architecture et les créatures de Guillermo avec celles de Jackson, en ancrant doucement mais sûrement le récit dans un univers plus familier pour les fans. Le film aurait emprunté aux appendices des romans du Seigneur des Anneaux pour raconter ce qui s’était passé entre Le Hobbit et La Communauté de l'Anneau. Selon toute vraisemblance, on aurait beaucoup suivi la quête de Gandalf et du Conseil Blanc qui s’inquiétaient de voir le mal s’installer à Dol Guldur.
Quant à l'endroit où le premier film se serait arrêté dans l’histoire, Del Toro a déclaré que cela avait été pensé comme une évidence pour les spectateurs et l’expliquait ainsi :
Nous avons pensé notre choix en nous basant sur l’évolution de la relation entre Bilbon, Thorin mais aussi tous les nains. Il y a un passage du roman qui marque un point logique d’évolution dans cette relation. Il y a un moment dans le livre où quelque chose est accompli et qui nous permet de dire : 'D'accord, passons à la suite après cela.'
En se basant sur cette déclaration, on peut partir du principe que le premier film aurait suivi Bilbon, Gandalf et les nains à travers les Monts Brumeux, jusqu'à la maison de Beorn, juste à la lisière de la Forêt Noire. En effet, après ce passage, Bilbon a gagné l’admiration des nains pour s’être échappé seul de la tanière des gobelins. C'est là que Gandalf prend congé du groupe et décide de se rendre à Dol Guldur, laissant Bilbon se débrouiller seul avec les nains maintenant que le groupe semble plus soudé.
Un Hobbit plus proche des écrits de Tolkien
Del Toro est apparemment fermement engagé à maintenir l’histoire du film très proche du roman. Ses deux films prévus auraient suivi les écrits de Tolkien. Pour Guillermo Del Toro, les couleurs ont un sens profond et ses films se distinguent d’ailleurs du tout-venant désaturé hollywoodien, par un déluge de couleurs qui nourrissent chaque plan de son cinéma. Or les couleurs sont des éléments extrêmement importants du Hobbit de Tolkien. Par exemple, chaque nain est pourvu d’une couleur bien distincte et on parle de Gandalf le Gris ou encore du Conseil Blanc. De son côté, Del Toro souhaite utiliser de subtils changements de couleur tout au long de sa narration pour marquer l’évolution psychique du héros et l’évolution de l’histoire.
Il était également important d'illustrer bien plus clairement la force du lien entre Bilbo et Thorin et de mettre plus en avant chaque nain. Ainsi, l’un des acteurs expliquait avoir accepté ce film parce qu’on lui avait vendu comme une sorte de « Les 12 salopards partent tuer un dragon ». Par contre, préoccupé par le manque de personnages féminins dans le film, Del Toro, comme Peter Jackson, souhaitent la création du personnage de la guerrière elfe, Tauriel. Cependant, Tauriel aurait été, comme Bard, un personnage qui a sa propre quête et qui n’entre pas longtemps en contact avec la compagnie et Bilbo.
Un Smaug très original
C’est peut-être l’élément du film qui aurait vraiment posé le plus de problèmes dans le diptyque de Del Toro. En effet, celui-ci souhaite vraiment avoir carte blanche sur Smaug et créer un dragon complètement original avec une approche encore jamais vue nulle part. Or, les descriptions faites par l’équipe créative peuvent laisser pour le moins perplexe.
Del Toro veut vraiment créer son propre design original pour le dragon dans le film. Il veut que les yeux soient difficiles à localiser, cachés dans une énorme tête cornue. L’idée est de pouvoir rajouter de la tension aux moments où Bilbo se faufile près de lui. La bouche de Smaug doit être très humaine, expressive et articulée, avec quelques épines fines et soyeuses ressemblant presque à de la fourrure/moustache. Le ventre parait glissant et doux, mettant plus en évidence sa vulnérabilité et pourquoi Bard arrive finalement à le vaincre.
Cependant, Del Toro est apparemment conscient que le design du dragon sera controversé. Mais l’envie de Del Toro reste de créer quelque chose de totalement nouveau et étrange qui pourrait aller contre la vision toute faite que le public a du dragon occidental. Le réalisateur a aussi admis, plus tard, qu’il avait pu ressentir un certain malaise et une tension vis-à-vis de ce design au sein du reste de l’équipe et que ce design aurait pu encore changer. Depuis Del Toro a réalisé Pacific Rim et il n'est pas impossible que certains des kaiju présents dans le film soient issus des recherches autour de l'apparence de Smaug.
Azog ou Bolg
La présence d'Azog dans le rôle de l’orc principal qui s’oppose à la compagnie est un choix très contesté par les fans de Tolkien. Dans le livre, Azog est mort depuis longtemps et c'est son fils Bolg qui a promis de le venger et s'oppose aux héros. L’histoire de la création d'Azog et Bolg dans le film de Peter Jackson est un véritable casse-tête et on en parle d’ailleurs plus en détail dans cet article consacré à Azog. Cependant, quel que soit l’orc choisi par Del Toro, il est à peu près certain que l’idée d’en faire un manchot, avec une prothèse métallique à l’un de ses bras, vient du réalisateur de Chronos, qui est complètement obsédé par cette idée. On peut d’ailleurs voir un troll armé d’un bras mécanique dans Hellboy 2, le film que Del Toro avait réalisé juste avant de commencer à travailler sur Le Hobbit. Et les personnages équipés de bras étranges parsèment toute sa filmographie.
Une bataille des cinq armées Beaucoup plus courte
Comme Tolkien était un vétéran de la Première Guerre mondiale, il détestait les représentations de la guerre. Dans son conte pour enfants, il a tout fait pour éviter de présenter une guerre épique ou divertissante. Au lieu de cela, le personnage principal, Bilbon, est complètement inconscient pendant toute la bataille, n'étant informé des événements majeurs qu'après coup. Et Del Toro est totalement séduit par cette idée. Malgré la pression du studio pour montrer une scène de bataille majeure, pour Del Toro, la bataille doit etre une partie minime de l'histoire.
Del Toro souhaite éviter la bataille, mais conscient que celle-ci devait tout de même être mise en image, le réalisateur a grandement laissé la partie créative de cette scène à Peter Jackson et sa compagne Fran Walsh. Il a ainsi expliqué que Jackson et Walsh avaient beaucoup d'énergie enfantine entre eux, et parlaient avec enthousiasme jusque tard dans la nuit des différentes idées de chorégraphie martiale, de créatures et de mise en scène de scènes d’action démentielles, profitant pleinement de ce que Del Toro décrit comme "un bac à sable très bien financé".
Comme pour Smaug, il n’est pas certain que Del Toro aurait vraiment pu tenir jusqu’au bout son idée de minimiser l’importance de la bataille dans le film. Dans ce genre de grosse production, les scènes d’action ont une place importante dans la mise en avant et la promotion du film. Mais son approche plus mesurée et moins enthousiaste aurait peut-être bien servi le film et aurait sûrement pris moins de place que dans le résultat final où la bataille des cinq armées représente plus d’une heure d’action quasi non-stop.
Le retour de la communauté de l’anneau
Guillermo Del Toro avait prévu un casting quelque peu différent de celui que l’on a découvert dans la version finale de Peter Jackson. Le réalisateur de Blade 2 s’est ainsi, à l'origine, entouré de certains de ses acteurs fétiches. Ron Perlman en Smaug, Brian Blessed en Thorin ou Beorn, Ian McShane en nain, et Doug Jones en Thranduil, mais il insistait aussi pour qu'Ian Holm reprenne son rôle de Bilbon. Encore plus étonnant, le réalisateur souhaite que tous les acteurs de la trilogie de Jackson reprennent leurs rôles.
Il veut évidemment que les films, en particulier le premier, soient très différents de la trilogie d’origine, mais il pense que ce serait une forme d’injustice envers les fans s'il n'y avait pas un peu de repères familiers voire même un minimum de fan service. Les appendices inclus à la fin du Retour du Roi détaillent les soixante années entre les événements du Hobbit et la Communauté de l'Anneau, donc certains de ces détails comme l'éveil du Mont du Destin et le retour de Sauron au Mordor auraient peut-être permis d’entrevoir la réaction de chacun des futurs membres de la Communauté de l’Anneau et l’endroit où il se trouvait avant le premier épisode de la trilogie du Seigneur des anneaux. Peter Jackson étant un grand fan de Docteur Who, la seule idée de casting de Del Toro que Peter Jackson a finalement gardée est Sylvester McCoy en Radagast le Brun.
Pourquoi Le Hobbit de Guillermo Del Toro ne c’est pas fait
Pendant plus d’un an et en étroite collaboration avec Peter Jackson et Fran Walsh, Del Toro écrit, réécrit et travaille sans relâche sur la direction artistique du projet. Problème : si les fans et Peter Jackson sont enthousiastes à l’idée de voir Del Toro réaliser le film, les financiers le sont beaucoup moins. Aux yeux des studios, Le Seigneur des Anneaux est désormais une marque indissociable de Peter Jackson. D’autre part, si les films de Del Toro sont tous des succès critiques, ils sont loin d’être de grands succès publics. Or, à ce moment-là, la M.G.M qui produit le film fait face à de gros problèmes financiers. En coulisses, les pressions se mettent en place pour éjecter Del Toro.
En novembre 2009, le scénario n’est toujours pas validé et le calendrier de production a été repoussé à 2010. En septembre 2010, un important tremblement de terre secoue la Nouvelle-Zélande et le film va encore être retardé. De son côté, Del Toro bouillonne et a l’impression qu’il est en train de perdre des occasions de réaliser de nombreux autres projets qu’il rêve de mettre en image. C’est finalement le réalisateur d’Avatar, James Cameron, qui convainc son ami Del Toro d’abandonner le projet. Cameron promet à Del Toro qu’il soutiendra son projet de réaliser une adaptation des Montagnes hallucinées de Lovecraft avec Tom Cruise en tête d’affiche. Del Toro abandonne Le Hobbit, Les Montagnes hallucinées ne seront jamais produites et Peter Jackson se retrouve contraint de réaliser un film qu’il ne souhaitait pas faire, comme on vous l'expliquait en détail dans cet article.